De Michael Scott à Donald Trump, via René Girard.

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Parmi les nombreuses sitcoms de la séquence 2000-2010, ère de diffusion du binge-watching, et du média sériel en général, The Office, et ses neuf saisons diffusées de 2005 et 2013, se démarque par une bonne résistance au temps, et une présence persistante dans la culture mèmique populaire. Adaptée d’une série britannique de Ricky Gervais et Stephen Merchant, la version américaine décrit le quotidien de la filiale d’une entreprise de vente de papier, Dunder Mifflin, située dans une bourgade pennsylvanienne post-industrielle, Scranton. Elle est tournée sur le mode du faux documentaire, quand bien même les ressorts comiques spécifiques à ce procédé sont finalement peu exploités. Surtout, là où la sitcom classique suivait une bande d’amis, The Office montre les interactions entre collègues, dont la cohabitation forcée crée frottements, malaises et incompréhensions. La justesse et la cruauté de certains tableaux peuvent parfois crisper le rire du téléspectateur.
Thomas Piketty, dans son Capital au XXIe siècle, avait innové en utilisant la littérature française, notamment balzacienne, pour documenter les inégalités sociales, notamment balzaciennes. Pour quiconque s’intéresse au fonctionnement des entreprises, analyser les messages sous-jacents à la série The Office peut constituer une expérience de pensée pertinente. Après tout, toute comédie efficace doit refléter, en son cœur, la réalité humaine, quitte à en accentuer les contours.
Bien sûr, contrairement à des œuvres comme Margin Call ou The Big Short, The Office ne tient pas un discours direct et explicite sur l’économie ou la théorie des organisations. Bien sûr, le gros de l’intrigue n’est pas justiciable d’une analyse sérieuse : on y est par exemple prié de croire que les foucades des personnages ne prêtent jamais à conséquence, et que leur branche est même la plus profitable du groupe. C’est pourquoi, dans cet article, plus qu’à l’intrigue, c’est au cadre général, à l’arrière-plan, que je m’intéresserai…et d’abord, aux personnages et aux archétypes qu’ils représentent. Le visionnage de la série n’est pas nécessaire pour le bon suivi de l’article ; par ailleurs, l’intrigue n’y sera que très peu divulguée.
Une comédie du comique

Le principal ressort comique de The Office est le personnage histrionique de Michael Scott, patron de la branche de Scranton, incarné par Steve Carrell. Scott abuse de sa position de pouvoir pour enchaîner blagues et farces de mauvais goût, et plus généralement pour attirer l’attention sur lui. Ainsi, une de ses farces préférées consiste à convoquer un employé pour faire semblant de le licencier, devant le documentariste, avant d’éclater de rire. On se situe ici dans le cadre d’une bouffonnerie à la De Funès : un personnage puissant est caricaturé dans sa laideur et sa stupidité. Montrer à l’écran un petit chef idiot permet, pour le corps social, de mettre à distance, voire de conjurer le pouvoir que ces individus exercent dans la réalité : c’est la logique du carnaval, ou de la saturnale romaine.

On peut également appliquer une analyse foucaldienne : il y a un lien substantiel, originel, entre pouvoir et bouffonnerie. C’est la capacité à être ridicule sans conséquences qui définit le roi ou le chef : le monde de l’entreprise n’échappe pas à cette règle. Le second de Scott, Dwight Schrute, tranche par son sérieux et son application ; Jim Halpert, autre subordonné, se contente de jouer des tours (“pranks” en anglais), comme les valets de Molière : il se sert du type de dérision spécifique aux dominés, toujours cachée, jamais assumée. The Office est bien une comédie sur l’humour, et la manière dont il est utilisé selon la place de chacun dans la hiérarchie économique.
Dysgénie d’entreprise
Mais le personnage de Scott n’est pas seulement un petit chef blagueur, comme le début de la série pouvait le laisser penser. En fait, Scott correspond exactement à la définition clinique du psychopathe :
- incapacité au travail : il passe sa journée à tourner sur sa chaise en demandant à la réceptionniste de le masser, ou invente des prétextes pour créer des réunions où il pourra prendre la parole
- propension à la violence, et absence totale de remords : il renverse une employée en voiture, corrige physiquement son neveu, humilie régulièrement le DRH Toby Flenderson. Cette violence n’est contrebalancée que par sa lâcheté relative.
- difficulté à former des liens : en dehors du travail, Scott est un personnage très isolé, qui passe de relation amoureuse en relation amoureuse comme un somnambule.
- superficialité totale : Scott n’est jamais qu’une série de personnages, plus ou moins inspirés de films ou émissions télé. C’est un mauvais acteur en représentation permanente.
- irresponsabilité : il déteste prendre la moindre décision, surtout difficile, et blâme ses subordonnés quand ses supérieurs hiérarchiques l’admonestent.
Il y a là un trope sur le rapport entre pouvoir en entreprise et caractère psychopathique. Le personnage de Jan Levinson, la supérieure hiérarchique de Michael Scott, une femme de pouvoir névrosée et manipulatrice, vient complémenter ce discours, en y ajoutant son pendant féminin. On peut y voir une sorte de principe de Peters (1) amélioré : dans l’entreprise moderne, le pouvoir ne peut intéresser que des personnes profondément dérangées. A terme, on ne retrouve dans les positions les plus hautes de la hiérarchie que des caractères neuroatypiques, et en bas des caractères “normaux” ou neurotypiques.

Là où The Office montre une forme de puissance analytique, c’est dans l’explication qu’elle donne à ce phénomène de “sélection inverse”. A mesure que la série progresse, les scénaristes procèdent en effet à une réhabilitation du psychopathe Scott. Tout d’abord, le psychopathe est le vendeur parfait, comme le montrent l’épisode 7 de la saison 2 (épisode de la vente au chili) ou l’épisode 25 de la saison 5 (vente de l’entreprise Michael Scott Papier). Parfaitement extraverti du fait de son vide intérieur, il sait se projeter dans l’esprit de l’autre, en intégrant parfaitement ce qu’il peut, et ce qu’il doit dire. Le psychopathe est une incarnation de l’Etre pour Soi hégélien : sans nature propre, il est tout ce qu’il veut être, et, partant, peut être ce que vous désirez qu’il soit. Comme un producteur de concurrence pure et parfaite, c’est un price-taker pliable aux besoins du marché. Ecce homo oeconomicus…
Plus encore, la série procède, à plusieurs reprises, à une démonstration par l’absurde des compétences de commandement de Michael Scott. Jim Halpert, personnage sympathique et sans défaut majeur, est promu second à partir de la saison 3, puis co-directeur en saison 6. Ses tentatives dans l’exercice du pouvoir se révèlent catastrophiques : raisonnable, il tente ainsi de réduire le nombre de cérémonies d’anniversaires, afin de réduire les coûts. Cette initiative déclenche une vague de mécontentements parmi les employés, qu’il ne parvient pas à éteindre.


Deux lectures de ces événements sont possibles : tout d’abord, les collectifs se comportent de façon irrationnelle, et sont difficilement compréhensibles par des individus dotés d’un sens logique normal. Alternativement, on peut penser que les décisions de Jim Halpert ne sont pas plus stupides que celles de Michael Scott. C’est seulement la normalité psychologique du premier qui donne à ses subordonnés une position de négociation plus forte. Dans la mesure où il est possible de lui faire entendre raison, la stratégie de la protestation devient rationnelle. Scott applique, lui, la “stratégie du fou”, bien connue en théorie des jeux : en se faisant passer, à tort ou à raison, pour quelqu’un d’irrationnel, il est possible d’amener son adversaire à renoncer à une confrontation qui aurait nui aux deux parties. (voir annexe)
Qui s’abaisse est élevé
Il y a peut-être plus qu’un simple travers contemporain dans la manière dont les entreprises sélectionnent les caractères déviants pour le commandement des hommes. L’anthropologue René Girard, dans Des choses cachées depuis la fondation du monde, se fait l’écho d’une anecdote de son homologue anglais Evans-Pritchard sur le fonctionnement étonnant de l’institution royale dans certaines tribus africaines. Le roi y est choisi par tirage au sort, parmi l’ensemble des jeunes mâles présents dans le village. De façon inattendue pour l’observateur occidental, ce tirage au sort ne soulève pas l’enthousiasme des candidats. Tous les jeunes hommes avertis fuient le village la veille du tirage au sort pour ne pas être trouvés sur place. Le roi est alors souvent désigné parmi les jeunes hommes les plus lents, ou les plus stupides. Pourtant, la fonction va avec ses privilèges, symboliques et réels : présidence des assemblées locales, grande maison mise à disposition, harem d’épouses attitrées… Ce qui cause la fuite, selon Evans-Pritchard, c’est l’espérance de vie assez courte de ces rois malgré eux : comme les empereurs romains, ils finissent souvent assassinés, après une décision leur ayant créé des ennemis.
René Girard intègre cette anecdote dans sa théorie du bouc émissaire. Selon lui, la plupart des institutions sociales propres à l’humanité dérivent d’un lynchage fondateur, où un individu, le bouc émissaire, est mis à mort arbitrairement par la communauté afin de restaurer la concorde. Le roi, ainsi, est à l’origine un dérivé du bouc émissaire, une déformation : c’est un bouc émissaire qu’on ne lynche pas directement après sa désignation, qu’on ne sacrifie qu’à l’occasion propice, voire pas du tout. Comme le condamné à mort qu’il est, il bénéficie toute sa vie d’égards particuliers – ses “dernières cigarettes”. Ce n’est qu’a posteriori que l’office royal a été rationalisé comme une fonction de commandement et de domination. De là, on résout le paradoxe de la tribu africaine d’Evans-Pritchard : ce que les anthropologues européens appellent “roi”, les habitants du village le comprennent encore dans son acception originelle, celle de victime sacrificielle.

Roitelet de Dunder Mifflin Scranton, Scott fait aussi un très bon bouc émissaire : sa bizarrerie le désigne tout en avance comme responsable des problèmes que peuvent rencontrer la branche. Surtout, par le dégoût unanime qu’il suscite chez ses employés, il crée naturellement une forme de solidarité défensive. On le voit dans l’épisode 8 de la saison 3 (“la fusion”) : la branche de Scranton accueille de nouveaux arrivants, que Scott tente d’intégrer en les faisant participer à des petits jeux. Ceux-ci échouent de façon si spectaculaire qu’il doit se réfugier dans son bureau, pendant qu’anciens et nouveaux employés sympathisent en lui cassant du sucre sur le dos. Mission accomplie ? Autre scène révélatrice : dans l’épisode 14 de la saison 5, les employés se succèdent un à un sur une scène, dans l’entrepôt de l’entreprise, pour humilier verbalement leur patron, présent à leurs côtés. Cette cérémonie étrange a beaucoup à voir avec le lynchage fondateur décrit par René Girard : l’unité du groupe est reformée par son opposition à un individu.

L’entreprise moderne apparaît donc, dans The Office, comme un des derniers lieux organisés selon les principes ambigus du pouvoir monarchique, et ses origines sacrificielles. Ce propos est finalement assez réaliste : l’inquiétante étrangeté de grands patrons comme Mark Zuckerberg ou Elon Musk en aurait fait, en d’autres temps, des boucs émissaires idéaux. Le brillant blogueur américain Curtis Yarvin aime à expliquer que des hommes politiques comme Donald Trump ou Silvio Berlusconi, tous deux issus du monde des affaires, incarnent les équivalents modernes du principe monarchique. Habitués au commandement arbitraire, ils ne sont légitimés que par leur ridicule magnétique, qui polarise l’attention du groupe. La force d’un Donald Trump, comme d’un Michael Scott, réside précisément dans leur capacité à attirer sur eux un micro-lynchage quotidien : ils sont à la fois chef et bouc-émissaire, chef car bouc-émissaire et bouc-émissaire car chef.
Nature et traditions
Quelques personnages secondaires méritent une analyse annexe. Prenons Dwight Schrute : assistant de Michael Scott, il est possesseur d’une grande ferme, passionné par la science-fiction, et, d’origine allemande, il maîtrise mal le second degré. Dévoué corps et âme à son travail, servile envers ses supérieurs, il incarne l’homme d’entreprise. C’est à travers ce type de personnages que les commandements les plus abstraits et absurdes peuvent être relayés et appliqués. D’un autre côté, Schrute représente aussi l’archétype du paysan courageux et obstiné : c’est grâce à ses valeurs traditionnelles d’endurance au mal, de goût du travail, et de respect de l’autorité que l’entreprise Dunder Mifflin peut fonctionner. L’industrie moderne, pour fonctionner, s’appuie ainsi sur des types anthropologiques laissés tels quels par les modes de production précédents. Fernand Braudel, dans La dynamique du capitalisme, insistait ainsi sur la continuité logique entre capitalisme et féodalisme : seuls les pays ayant connu une période féodale (Japon et monde occidental) ont réussi leur développement industriel au XIXè siècle.

Par ailleurs, Dwight Schrute évolue dans une forme de symbiose avec son supérieur direct Scott, qu’il admire et envie, et dont il est peut-être le seul véritable ami. Parfaitement soumis aux désirs de son patron, il intrigue pourtant régulièrement pour le remplacer. Ni les supérieurs de Scott ni les employés ne montrent le moindre enthousiasme à l’idée d’une telle promotion : ses tentatives ne rencontrent donc que l’échec. Seule l’éventualité d’un patron nommé Schrute rend la réalité du gérant Scott acceptable : le caractère fantasque, imprévisible et narcissique du second est rehaussé, valorisé, par l’insensibilité militaire du premier.
On peut ici parler d’opposition contrôlée (autre concept yarvinien) : tout système de pouvoir, pour se maintenir, doit se mettre en scène face à une opposition, un Ailleurs, qui polarise les mécontentements, mais dont la mauvaise qualité évidente justifie en creux la domination exercée. La notion de contrôle ne renvoie pas nécessairement à une intentionnalité : l’opposition contrôlée peut émerger organiquement, et perdurer dans le temps grâce à ses propriétés stabilisatrices. Ainsi, au XXè siècle, le communisme soviétique fut pour le capitalisme américain un magnifique sparring-partner, récupéré et intégré dans le discours de justification et de glorification du système.
Une lecture plus classique de cette relation symbiotique est possible. Erving Goffmann parlait de division morale du travail : dans tout système hiérarchique, ce n’est jamais le chef qui assume la brutalité des rapports de pouvoir, mais un second auquel la faculté de faire tourner la boutique est déléguée. Il y a d’un côté un principe de légitimité, symbole qu’on préserve de toute confrontation directe : Scott, chef-mascotte rechignant au moindre licenciement ; de l’autre, un principe d’autorité, qui se fait simple exécutant d’une volonté supérieure : Schrute, agressif mais soumis à la Règle, et donc dépourvu de volonté propre. Le calife et le sultan, le roi et le maire du Palais, le pape et l’empereur, etc.
Le piège de l’éducation

Autre personnage secondaire à portée pédagogique : Ryan Howard. Ryan est un jeune homme, fraîchement diplômé d’une école de commerce, qui entre dans l’entreprise comme intérimaire avant de gravir les échelons, puis de les redescendre. Après avoir espéré une carrière brillante, puis avoir lancé sans succès une application numérique, il se résout à son rôle d’intérimaire, et passe le plus clair de ses journées à jouer à Tetris ou à flirter avec la responsable du service client. Il finit par être littéralement déplacé dans un placard, afin que sa fainéantise ne démotive pas les autres employés. Il y a là une fable sur les effets négatifs de l’éducation : en effet, Ryan est l’employé le moins productif, alors même qu’il est aussi le plus éduqué.
Dans la théorie économique, le processus d’éducation est habituellement vu comme une accumulation de capital humain, qui vise à améliorer la productivité du travail grâce aux connaissances acquises. La théorie concurrente, celle de Spence, explique que l’éducation est d’abord un signal envoyé aux entreprises : elle permet aux individus les plus brillants de se démarquer, en faisant la démonstration de leur productivité supérieure. Dans ce cas, l’éducation n’augmente pas la productivité, mais y est fortement corrélée.
On peut dessiner ici une troisième voie, inspirée par l’archétype de Ryan Howard. Joseph Stiglitz, dans sa théorie du salaire d’efficience, explique que la productivité d’un employé est la conséquence (et non seulement la cause) du salaire qui lui est versé. C’est pourquoi il peut être efficace de le rémunérer à un taux plus élevé que sa productivité marginale. Il y a donc un salaire “optimal”, pour lequel le salarié donne tout son possible. Or, il est tout à fait envisageable que les années d’éducation augmentent le niveau de salaire espéré par le salarié : plus un individu est éduqué, plus il aura besoin d’une rémunération conséquente pour se sentir valorisé, et donc pour être productif.
Il peut donc y avoir un “piège de l’éducation”, au niveau collectif, pour une société donnée : si trop d’individus reçoivent une formation sans mesure avec la demande des entreprises, la productivité moyenne s’en trouvera profondément grevée, en raison de la déception provoquée. Cette théorie est compatible avec l’idée que l’éducation est rationnelle individuellement, si on garde en tête l’hypothèse de Spence : en cherchant à s’éduquer le plus possible, les individus démontrent leur valeur et tentent de se démarquer, bien que l’éducation n’ait pas d’effet positif sur leur productivité en soi. Le système éducatif, notamment l’enseignement supérieur, est dans cette hypothèse un exemple typique d’institution économique à externalité négative : bonne pour les individus, mauvaise pour le groupe.
Sous des airs de comédie légère, The Office démonte et stylise les mécanismes du pouvoir, dans la société humaine en générale et dans l’entreprise en particulier. De la stratégie du fou au salaire d’efficience en passant par la théorie du bouc émissaire, elle peut illustrer de nombreux concepts d’économie et de sciences humaines. Plus simplement, on peut y lire une théorie des écosystèmes humains : au fond, c’est sur le mode du documentaire animalier, avec commentaire, lenteur, et maracas, que la série aurait pu être filmée.
Notes
(1) Principe de Peters : Principe selon lequel toute responsabilité finit par être occupée par un employé incapable de l’exercer. En effet, toute personne compétente finit immanquablement par être promue, et donc par quitter son poste.
Sources
- Girard, René, Des choses cachées depuis la fondation du monde, Grasset, 1978.
- Yarvin, Curtis, https://www.unqualified-reservations.org/
- Smith Troy, Hafner Marco & Bennett Bruce, “Engaging with North Korea : Lessons from Game Theory”, RAND Corporation, 2021
- Goffmann, Ervin, La mise en scène de la vie quotidienne, Editions de Minuit, 1973.
Annexes
On peut modéliser une confrontation comme un jeu de la “poule mouillée”. Dans ce jeu américain, deux conducteurs foncent l’un vers l’autre le plus vite possible. Le premier à se jeter sur le côté perd. On le traduit par le jeu de la poule mouillée. Lecture de la case (2;1) : si le joueur 1 choisit la confrontation, et que le joueur 2 cède, le joueur 1 gagne 5 et le joueur 2 obtient -5. On observe que, si l’adversaire cède, il est plus intéressant de se confronter. Si l’adversaire choisit la confrontation, il est plus intéressant de céder. Il y a donc deux équilibres dans le jeu : soit le joueur 1 choisit la confrontation et le joueur 2 plie ; soit on a la situation inverse.
Céder | Confronter | |
Céder | (0;0) | (-5;5) |
Confronter | (5;-5) | (-10;-10) |
La faiblesse de cette modélisation est son caractère statique. En réalité, ce jeu est séquentiel : un joueur joue d’abord, et l’autre répond. Par conséquent, le premier à jouer peut “choisir” son équilibre préféré. C’est le premier à jouer qui choisit la confrontation.

Face à cela, la stratégie du fou consiste à montrer ouvertement que, quelle que soit la stratégie de l’adversaire, on ne cèdera pas. Dans le cas du jeu de la poule mouillée, cela consiste à bloquer le volant.

Plus largement, pour notre cas, elle consiste à introduire un doute sur la réponse rationnelle de l’adversaire, ce qui peut se faire en donnant la réputation d’être fantasque ou imprévisible. Ici, au lieu de diminuer les possibilités de réponse du joueur 2, on les multipliera : il y a une infinité de branches possibles. C’est cette infinité qui produit vertige et anxiété. Le joueur 1 se dirige alors vers l’arbre donnant la réponse la plus certaine : celle du refus de confrontation.