Cet accord a permis d’alléger voire de lever les sanctions américaines et internationales en 2015. Le Joint Comprehensive Plan of Action (JCPoA) rebat ainsi les cartes des alliances internationales puisqu’il donne une nouvelle place économique et politique à l’Iran, à la fois au Moyen Orient mais aussi sur la scène internationale. Les États-Unis mettent un terme à cette ascension en 2018 en se retirant de l’accord et en imposant à nouveau des sanctions, voulant ainsi isoler la République Islamique d’Iran, ce que la Chine ne va pas manquer de saisir comme une opportunité pour étendre son influence dans le monde et face aux États-Unis.
Résumé
- La nucléarisation dans le monde est encadrée par le Traité de non-prolifération (TNP) des armes nucléaires, publié en 1968. L’Iran signe cet accord en 1970.
- En 2002, le monde découvre que l’Iran possède deux centres de recherche nucléaire à Natanz et Arak et des sanctions économiques sont mises en place en 2003 contre le pays.
- En 2012, les sanctions américaines sont encore renforcées par l’administration Obama, ce qui entraîne une baisse du PIB iranien de 7.71% en 2012.
- En 2013, Hassan Rohani est élu Président de la République d’Islamique d’Iran et engage des négociations avec l’Europe, la Russie, le Royaume-Uni, la Chine et les États-Unis dans le but de lever les sanctions, qui sont un fardeau pour l’économie iranienne.
- Un accord est trouvé entre toutes les parties, le JCPoA. Le texte est signé en 2015 et entre en vigueur en Janvier 2016 avec la résolution 2231 du Conseil de Sécurité de l’ONU
- Cet accord marque un tournant dans les relations entre l’Iran et les États-Unis. Il témoigne aussi l’influence grandissante de la Chine dans la région et renforce encore les tensions entre la République Islamique d’une part et Israël et l’Arabie Saoudite d’autre part.
- L’accord a des conséquences économiques très importantes : en 2016, le PIB iranien a augmenté de 12,52% (par rapport à 2015), notamment grâce aux exportations, qui augmentent de 44% en seulement 3 ans suite à l’accord, et surtout aux exportations de pétrole en particulier qui représentent 70 à 80% des recettes d’exportations du pays et 40 à 50% des recettes budgétaires de l’État.
- En 2018, le Président Donald J. Trump décide de se retirer de l’accord et d’imposer à nouveau des sanctions économiques à l’Iran, réduisant en moins d’un an les exportations de pétrole de 94%.
- Ce vide laissé par les États-Unis laisse toute la place à la Chine pour s’imposer encore davantage dans la région, la Chine est aujourd’hui le premier partenaire économique de l’Iran
Article
La République Islamique d’Iran a annoncé le lundi 19 octobre dernier que l’embargo de l’Organisation des Nations Unies concernant le commerce d’armes était « automatiquement » arrivé à terme, comme prévu par l’accord sur le nucléaire iranien, le Joint Comprehensive Plan of Action (JCPoA), et par la résolution 2231 de Conseil de Sécurité de l’ONU du 16 janvier 2016 qui le met en application. Cette annonce a tout de suite été suivie par une réaction américaine qui menace de sanctions économiques et politiques quiconque s’investit dans l’échange d’armes avec le pays (1).
Pour comprendre les enjeux économiques sous-jacents de ces annonces, il est d’abord important de revenir sur le contexte dans lequel a été négocié et acté l’accord sur le nucléaire iranien en 2015, et sur les conséquences à la fois économiques et politiques de telles négociations.
La nucléarisation dans le monde est encadrée par le Traité de non-prolifération (TNP) des armes nucléaires, publié en 1968 et entré en vigueur en 1970. Le concept de nucléarisation renvoie à deux choses : un remplacement progressif des sources d’énergie par l’énergie nucléaire d’une part, et l’acquisition d’armes militaires nucléaires d’autre part. Cet accord est supervisé par l’Agence Internationale de l’Énergie Atomique (AIEA). Cependant, le TNP n’est pas contraignant pour les États signataires. En particulier, l’article 10.1 (Annexe 1) laisse la possibilité aux États de se retirer de l’accord selon leur bon vouloir, et aucun article ne prévoit d’éventuelles sanctions pour non-respect des clauses edu traité. En particulier, l’Iran signe cet accord en 1970, ce qui ne l’empêche pas de développer un programme de recherche pour un usage civil et militaire de l’énergie nucléaire, programme qui a été perçu comme une menace à la stabilité régionale et à la sécurité internationale.
Revenons donc pour commencer sur les enjeux qu’a soulevé le programme iranien de recherche.
Les enjeux de la nucléarisation du Moyen orient
2002 : Le monde découvre l’arsenal nucléaire iranien
Le 14 Septembre 2002, l’AIEA découvre que l’Iran possède deux centres de recherches nucléaires à Natanz et Arak (voir carte ci-dessous).
La République Islamique d’Iran a donc été accusée de conduire illégalement un programme de recherche nucléaire. Des sanctions économiques ont été mises en place contre le pays à partir de 2003, en même temps que commencent des négociations entre l’Iran représenté par Hassan Rohani, alors Secrétaire général du Conseil Suprême de la Sécurité nationale, l’Allemagne, la France et le Royaume Uni. Celles-ci durent jusqu’en 2005, date à laquelle Mahmoud Ahmadinejad, fermement opposé à ces négociations, est élu Président de la République Islamique (2). Alors, le conflit en Irak, la seconde guerre du Golfe, et l’intervention des États-Unis dans la région étaient des sujets bien plus importants pour le pays et les négociations prennent fin. Ce retrait a conduit à des sanctions plus fermes imposées par l’ONU en 2006, renforcées ensuite par les États-Unis et l’Europe.
Le contexte politique qui a mené à la reprise des négociations
En 2013, Hassan Rohani est élu Président en Iran. Immédiatement, il reprend le processus de négociations là où il s’était arrêté. Les sanctions sont un fardeau pour la République Islamique – le secrétaire du Trésor américain Jabob Lew considère que la seule vague de sanctions menée en 2012 a conduit à une baisse de 15 à 20% du PIB iranien (3). Leur retrait est donc le principal objectif de l’Iran lors de la reprise des négociations. De plus, la guerre en cours en Syrie est un terrain de rivalité entre l’Arabie Saoudite et l’Iran. Les négociations avec l’Europe et les États-Unis sont donc également un moyen pour Hassan Rohani de disposer de suffisamment de légitimité politique sur la scène internationale, s’imposant ainsi comme médiateur de première ligne dans le conflit syrien.
De l’autre côté de la table des négociations, pour l’Europe, la Chine et la Russie, l’Iran représente un marché économique non négligeable que les sanctions économiques les empêchaient d’intégrer. La volonté de l’Iran de reprendre les discussions est donc bien accueillie. Pour les États-Unis, cet accord empêcherait l’Iran de devenir une menace importante pour leurs alliés dans la région, Israël et l’Arabie Saoudite pour ne pas les nommer.
Ce traité arrive également à un moment où s’alignent les intérêts sécuritaires de toutes les parties signataires face à la menace d’Al-Qaeda et de l’Organisation État Islamique (3).
L’accord est donc signé le 14 Juillet 2015 par l’Iran, représenté par le Président Hassan Rohani et le ministre des affaires étrangères Javad Zarif, la France, l’Allemagne, la Chine, la Russie, les États-Unis, représenté par le Président Barack Obama et le secrétaire d’État John Kerry, et l’Union Européenne représentée par Federica Mogherini.
L’accord entre en vigueur le 16 Janvier 2016 suite à la résolution de Conseil de Sécurité de l’ONU 2231.
Contenu de l’accord
Les trois principaux objectifs de l’accord sont les suivants : la limitation du programme de développement nucléaire iranien, la levée – ou l’allègement, des sanctions internationales contre l’Iran, et le renforcement du contrôle de l’activité nucléaire iranienne.
Les conséquences sur l’appareillage nucléaire iranien sont concrètes. Deux tiers des centrifugeuses sont fermées. Le stock iranien d’Uranium est limité à 300 tonnes et ne peut pas être enrichi au-delà de 3.67% (ce qui correspond au niveau maximum d’enrichissement pour un usage civil de l’énergie atomique). Leur programme de recherche et développement est limité au centre de Natanz et le réacteur d’Arak a été neutralisé. L’Iran a également signé un accord avec l’AIEA pour permettre des inspections. Les sanctions internationales sont levées (4).
Ce que l’accord nous dit des alliances internationales et régionales : sécurité et stabilité au Moyen Orient
L’accord marque clairement l’opposition d’Israël et des pays du Golfe face à l’Iran
L’Iran est, depuis la révolution de 1979, exclu par les États-Unis de la scène internationale, mais gagne en même temps de l’influence sur la scène régionale. En présentant sa révolution comme “islamique” en 1979, l’Iran se positionne en leader du monde musulman et non plus seulement chiite.
Ce panislamisme affiché est perçu comme une menace par l’Arabie Saoudite car il remet en question le leadership du royaume sur le monde musulman. En effet, l’Arabie Saoudite défend une conception de l’Islam sunnite wahhabite tandis que l’Iran propose une conception de l’Islam chiite duodécimain : deux modèles s’opposent. De même, Israël est menacé par l’influence grandissante de l’Iran dans la région, en particulier au Liban et en Syrie. Face à la menace iranienne, l’Arabie Saoudite et Israël peuvent désormais compter sur un nouvel allié: les États-Unis. Autrefois alliés du Chah (Chah est le titre porté par les rois d’Iran jusqu’en 1979), les Etats-Unis sont désormais les opposants de la République de Khomeini.
Dans ce contexte, les négociations de l’accord sur le nucléaire iranien puis son entrée en vigueur sont donc perçues comme une menace pour deux principales raisons : la première est celle du processus de négociations en lui-même. Pour la première fois depuis 1979, les États-Unis négocient avec l’Iran, montrant ainsi à ses autres alliés que ceux-ci n’ont plus l’exclusivité de la protection américaine. La deuxième concerne les conséquences de l’accord. Pour l’Arabie Saoudite, le fait que l’Iran soit reconnu comme puissance avec laquelle les négociations sont possibles ne fait que confirmer son influence dans la région, notamment concernant le conflit en cours en Syrie. Pour Israël, cet accord signifie que la République Islamique aura accès à d’importantes quantités de liquidités et pourra continuer à financer le Hezbollah, la Résistance Islamique au Liban et le Hamas, ce qui n’est pas pour plaire à Israël (5). C’est d’ailleurs pour cette raison que le 30 Avril 2018, le Premier Ministre Netanyahu prononça le fameux « L’Iran a menti » lors d’une conférence choc au cours de laquelle il dévoile publiquement les preuves réunies par les services secrets israéliens selon lesquelles l’Iran aurait continué le développement de son arsenal nucléaire iranien malgré les limites du JCPoA et les inspections de l’AIEA (6), remettant ainsi en cause le bien-fondé et l’utilité de l’accord.
L’accord témoigne également du role grandissante de la Chine au Moyen Orient
La Chine a eu, depuis sa période d’industrialisation forte, un intérêt pour l’Iran car le pays avait besoin de ressources en pétrole. En 2007, la Chine devient le premier partenaire économique de l’Iran, suite aux différentes sanctions américaines qui écartent le Japon, l’Europe, l’Inde, la Corée du Sud du marché iranien, laissant toute la place à la Chine (7). C’est une relation de symbiose qui s’installe entre les deux pays : la Chine a besoin d’acheter les matières premières iraniennes pour alimenter son économie, et l’Iran a besoin d’investissements.
Lors des négociations pour le JCPoA en 2013, la Chine a un important rôle de médiation pendant les discussions, s’imposant ainsi comme un allié de l’Iran (7).
Les conséquences économiques de la mise en place de l’accord et la levée des sanctions qui pesaient sur l’Iran : une bouffée d’oxygène pour l’économie iranienne
Le JCPoA marque un tournant dans les relations États-Unis / Iran, officiellement interrompues depuis la révolution islamique de 1979. Le jour même de l’entrée en vigueur de l’accord, des otages américains ont été libérés d’Iran et une ancienne dette américaine de $1.7 milliards a été remboursée à la République Islamique (8).
En 2012 et 2013, les sanctions économiques avaient été renforcées par le Président Obama notamment avec le National Defense Authorization Act, qui empêche la banque centrale d’Iran d’être en contact avec des banques étrangères pour la vente de pétrole. Ce renforcement est corrélé sur le graphique suivant avec une chute du PIB iranien importante : de -7.71% en 2012 (par rapport à 2011) et -0.33% en 2013 (par rapport à 2012).
La mise en place du JCPoA en 2015 et son entrée en vigueur en 2016 a des conséquences directes puisque le PIB iranien augmente de 12.52% par rapport à 2015, passant de $1 362.67 milliards en 2015 à $1 549.14 milliards en 2016, comme indiqué sur le graphique suivant :
Ces deux graphiques montrent donc bien une corrélation entre la levée des sanctions contre l’Iran et l’augmentation rapide de la richesse du pays. En effet, le JCPoA permet à l’Iran de commercer avec d’autres pays, et c’est l’augmentation des exportations qui va jouer un rôle important comme facteur de croissance du PIB. Comme on peut le voir sur le graphique suivant, à partir des données du Fond monétaire International, les exportations de produits iraniens ont fortement augmenté à partir de 2015, passant de $70.28 milliards à $105 milliards en 2018, soit une augmentation de 44% en 3 ans seulement.
Le traité permet de nouvelles interactions financières, notamment entre l’Iran et les États-Unis. Par exemple, en Juin 2015, l’Iran achète 80 avions commerciaux Boeing pour Iran Air et promet de louer 30 avions supplémentaires pour un total de $17 milliards. Le 11 Septembre, la vente fut approuvée par le Département Américain du Trésor et les avions furent livrés (8).
Ces trois graphiques nous montrent donc bien une corrélation entre l’ouverture du marché iranien en 2015 et une augmentation nette et rapide de la richesse du pays entre 2015 et 2017.
En continuant sur cette lancée permise par le cadre du JCPoA, l’Iran se serait rapidement enrichi : “Should sanctions relief remain intact, McKinsey Global Institute estimates that Iran could increase its GDP by $1 trillion and create nine million jobs by 2035” (9). Ce n’est pourtant pas ce qui va se produire dans les années qui suivent la mise en place du JCPoA, puisque sur ces trois graphiques, nous pouvons observer une chute du PIB et du volume des exportations et des importations à partir de 2018. En effet en 2018, les États-Unis, sous la Présidence de Donald J. Trump, se retirent du JCPoA.
Les conséquences économiques du retrait des États-Unis et des sanctions mises en place : la nécessité vitale de s’émanciper de la dépendance au système dollar
Il est important de noter que le JCPoA est un accord et non un traité. Ainsi, il n’a pas été soumis à la ratification du Congrès Américain. Beaucoup de voix se sont élevées alors contre l’accord, en particulier Donald J. Trump, élu Président en 2017. Dès son entrée en fonction, il initie de nouvelles négociations pour renforcer l’accord, en particulier la provision sur la date d’échéance. En effet, le texte négocié prévoit une date de cessation, fixée au 18 Octobre 2025 ce qui, pour Donald J. Trump, est la preuve de l’inefficacité du cadre réglementaire de l’accord, puisque l’Iran pourra, en 2025, reprendre son programme de recherche. Seulement, les pays signataires ne trouvent pas de terrain d’entente et le Président Donald J. Trump retire les États-Unis de l’accord le 8 Mai 2018, tout en annonçant la reprise des sanctions contre la République Islamique d’Iran.
Ces sanctions ont été mise en place progressivement à partir de Novembre 2018 notamment contre le secteur financier – les banques iraniennes sont placés sur liste noire et les transactions en dollars sont interdites avec une partie iranienne, mais aussi du transport maritime, de l’automobile, de l’aviation commerciale, des produits de luxe et du pétrole, secteur qui est le plus durement touché. En avril 2018, avant les sanctions américaines, l’Iran exporte 2.5 millions de barils de pétrole par jour, en juillet 2019 : l’Iran exporte seulement 100 000 barils par jour, soit une baisse de 96%. (10)
La production de pétrole est un secteur clé de l’économie iranienne. Avant les sanctions, ce secteur représente 70 à 80% de ces recettes d’exportations et 40 à 50% des recettes budgétaires de l’État (10). Les sanctions ont donc un effet direct sur l’économie du pays, comme nous avons pu le voir sur le graphique précédemment, montrant l’évolution de la croissance du PIB iranien depuis 2009.
Dès l’annonce du retrait, le Président iranien Rohani a tenu à rappeler que son pays tiendrait ses engagements, suivi ensuite par la Chancelière allemande Angela Merkel et le Président de la République Emmanuel Macron qui réaffirment également leur attachement à l’accord. Malgré cela, ils n’ont pas réussi à faire bloc face aux sanctions américaines à cause de l’extraterritorialité de l’application du droit américain. En effet, le droit américain est tel que toutes les interactions financières en dollars faites dans le monde, autant dire une large majorité d’entre-elles, sont soumises à la justice américaine. Ainsi, toutes les parties, que ce soit des entreprises, des États ou des agents financiers individuels qui ont de près ou de loin un lien avec l’Iran n’ont pas le droit d’être ensuite impliqués dans une interaction qui engagerait la monnaie des États-Unis.
Ainsi, beaucoup d’entreprises font le choix de ne plus commercer avec l’Iran pour être toujours autorisées à accéder au marché américains et aux liquidités en dollars. Par exemple, en 2017, les exportations de l’Allemagne vers les États-Unis atteignent $111 milliards, alors que cette même année, l’Allemagne n’exporte que $3 milliards vers l’Iran (11). Les entreprises allemandes risquent d’être exclues du marché américain si elles continuent de commercer avec l’Iran : entre accès au marché américain et iranien, le choix est vite vu. Dans tous les pays, le même phénomène se produit, beaucoup d’entreprises annoncent leurs décisions de se désengager du marché iranien pour ne pas être exclues du système financier international, basé sur le dollar (11).
Sur le long terme, la décision du Président Donald. J. Trump affecte donc aussi les relations entre l’Europe et l’Iran, malgré la mise en place d’un système spécial permettant les échanges économiques sans être soumis au droit américain : INSTEX, un système permettant d’effectuer les échanges en euro et d’ainsi échapper à l’extraterritorialité du droit américain. Seulement ces efforts atteignent mal leurs objectifs, étant donné l’importance du système du dollar dans le monde financier international. L’intention est tout de même louable car elle s’accompagne d’une prise de conscience internationale du poids trop important donné à la monnaie américaine, prise de conscience déjà faite lors de la crise de 2008 : par exemple, l’Inde a pendant un temps explorer l’idée de payer les importations de pétrole iranien en roupies (12). Le développement des crypto-monnaies pourrait également constituer une alternative intéressante.
Ces sanctions ont immédiatement d’importantes conséquences économiques : la production de pétrole chute, la monnaie iranienne également, et l’inflation augmente. Le pouvoir d’achat des iraniens est donc également durement impacté (13).
A l’aune de cette situation, face au vide laissé par les États-Unis et au besoin de l’Iran de s’ouvrir à d’autres partenaires pour maintenir son économie, la Chine, aujourd’hui le principal partenaire économique du pays, gagne donc encore en influence dans la région.
La reconfiguration des alliances économiques dans la région : la Chine s’impose encore davantage
Nous l’avons dit : la Chine a besoin des matières premières iraniennes pour alimenter son économie, et l’Iran a besoin d’investissements.
Avec la remise en place des sanctions américaines en 2018, la Chine a donc une opportunité de combler le vide de coopération laissé dans la région. Lundi 19 octobre, l’Iran a annoncé la levée de l’embargo sur les ventes d’armes et la Russie et la Chine ont déjà exprimé la possibilité d’un échange commercial avec le pays (14).
Depuis plusieurs semaines, la Chine et l’Iran négocient un accord commercial et militaire qui durerait 25 ans, qui représenterait 400 milliards de dollars investis par la Chine en Iran en l’échange d’une décote de 30% sur les prix du pétrole exporté en Chine. Pourtant, l’Iran ne peut pas se contenter d’avoir des partenariats commerciaux qu’avec la Chine, et cet accord est critiqué au sein même du pays puisque beaucoup y voit un « abandon de souveraineté » pour reprendre les mots de Clément Therme (14). Cet investissement fait en effet partie des Routes de la Soie de la Chine.
La Chine dispose déjà d’un tel accord avec les Émirats Arabes Unis et l’Arabie Saoudite et est ainsi déjà présente dans la zone du golfe persique. Cet accord mettrait donc l’Iran dans une position compliquée puisqu’il rendrait ses relations avec la Chine, et sa dépendance par rapport à Beijing, exclusive alors que la Chine, elle, dispose déjà de nombreux autres partenaires.
Ainsi, le JCPoA et les sanctions américaines post-JCPoA sont de véritables marqueurs des tensions et des alliances régionales existantes, mais aussi des vecteurs de reconfiguration de ces dynamiques puisque l’actualité récente et l’annonce de ce potentiel accord sino-iranien en réponse aux sanctions américaines montre clairement la volonté de la Chine de s’imposer, encore, face aux États-Unis sur la scène internationale.
Sources :
- Gacon, J. 19 Octobre 2020. France Culture. Les Enjeux Internationaux “Que prévoit le futur accord Iran-Chine?”
- Grand, C. 2016. “L’accord avec l’Iran : un pari stratégique”. Commentaire. vol. 153. no. 1, pp. 37-44
- Zarifian, J. 2015. “Le dossier du nucléaire iranien et la question du rapprochement États-Unis – Iran”. Politique Américaine, vol. 26, no. 2, pp. 31-47
- Cordesman, A. H. 2018. “U.S Strategy, the JCPoA Iranian Nuclear Arms Agreement, and the Gulf: Playing the Long Game”. Center for Strategic and International Studies
- Lerman, E. 2016. “A Year After the JCPoA: An Interim Report on the Nuclear Deal with Iran” Begin-Sadat Center for Strategic Studies
- The Guardian. 1 Mai 2018. “Benjamin Netanyahu : ‘Iran lied about nuclear program’”. Accessible à : https://www.theguardian.com/world/video/2018/may/01/benjamin-netanyahu-iran-lied-about-nuclear-programme-video [consulté le 1 novembre 2020]
- Johanson, D. “Becoming a Responsible Power?: China’s new role during the JCPoA negotiations”. in Johanson, D. Lie, J. Wu, T. New Perspectives on China’s relations with the world. National, Transnational and International. E-International Relations Publishing. pp. 159-173. Accessible à : http://www.e-ir.info/wp-content/uploads/2019/03/New-Perspectives-on-China’s-Relations-with-the-World-E-IR.pdf#page=171 [consulté le 1 novembre 2020]
- Khan, S. Mieke, E. 2016 “JCPoA: Evaluating Issues Since Implementation. Third Way”, JSTOR
- Ghorashi, R. Reddy, K. Schwartz, M. 2017. “The effects of the JCPoA on the Iranian Economy”, American Iranien Council, Accessible à : http://www.us-iran.org/news/2017/4/15/the-effects-of-the-jcpoa-on-the-iranian-economy [consulté le 1 novembre 2020]
- Rifai, L. 2019. France 24. “Iran : quel est l’impact économique des sanctions ?” Accessible à : https://www.france24.com/fr/20190919-impact-economique-sanctions-americaines-contre-iran [consulté le 1 novembre]
- Stein, S. 2018. “The European Union after the United States Withdrawal from the JCPoA” Institute for National Security Studies
- Gerstel, D. Segal, S. 2018. “The Economic Impact of Iran Sanctions”, Center for Strategic and International Studies, Accessible à : https://www.csis.org/analysis/economic-impact-iran-sanctions [consulté le 1 novembre 2020]
- Rifai, L. 2019. France 24. “Iran : quel est l’impact économique des sanctions ?” Accessible à : https://www.france24.com/fr/20190919-impact-economique-sanctions-americaines-contre-iran [consulté le 1 novembre]
- Gacon, J. 19 Octobre 2020. France Culture. Les Enjeux Internationaux “Que prévoit le futur accord Iran-Chine?”
Annexes : Article 10.1 du Traité de non-prolifération nucléaire
L’entièreté du Traité est disponible en ligne en francais, anglais, arabe, chinois, russe, espagnol : https://www.iaea.org/publications/documents/infcircs/treaty-non-proliferation-nuclear-weapons