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Accueil Perspectives économiques

La vraie énigme de la finance : l’imprévisibilité

parKarl Eychenne
26 janvier 2025
dans Perspectives économiques, Sciences Eco, Tribunes
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La vraie énigme de la finance : l’imprévisibilité
AUTEUR            Karl Eychenne
FORMAT           Perspectives économiques
DATE                  26 janvier 2025
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Nous nous trompons depuis le début. La question n’est pas de savoir si les marchés sont prévisibles, mais pourquoi ils ne le sont pas. Car si la prévisibilité des marchés n’est certes plus un tabou théorique. Elle n’est pas encore une réalité pratique.
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Nous nous trompons depuis le début. La question n’est pas de savoir si les marchés sont prévisibles, mais pourquoi ils ne le sont pas.
Contrairement à une idée reçue, la finance théorique n’interdit pas la prévisibilité des marchés. Rationalité, efficience sont des termes intimidants mais pas obtus. Les modèles standards de la finance autorisent certaines formes de boules de cristal. Mieux que cela, le profil psychologique, l’origine géographique ou ethnique de l’investisseur, ses croyances religieuses ou scientifiques, le cadre institutionnel ou juridique, son angoisse de la mort même, auraient une influence sur son opportunisme, ses prises de décision, ses anticipations. Autant de facteurs justifiant une prévisibilité partielle des marchés financiers. Sauf que la recherche empirique échoue à valider l’intuition. Ainsi, la prévisibilité des marchés n’est certes plus un tabou théorique. Mais pas encore une réalité pratique.
Prévoir : un réflexe de survie
Le vivant n’a qu’un seul moyen pour survivre : prévoir. Celui qui ne prévoit pas ne dure pas. Il faut prévoir le danger, il faut prévoir à manger, etc. L’Homme se voit même doté d’un outil taillé sur mesure pour mieux prévoir : son cerveau. Formidable machine à émettre des hypothèses sur l’instant d’après en fonction de ce qui s’est produit l’instant d’avant, nous apprennent les sciences cognitives et autres neurosciences. L’Homme de la cité peut ainsi chercher à prévoir les bons gestes afin de mener une bonne vie. L’homme politique contemporain cherche à prévoir si les mesures annoncées seront populaires. L’homme de science bibliométrique cherche à prévoir combien de fois son article sera cité. Même le robot conversationnel cherche à prévoir le mot qui viendra après. Quant à l’Homme de la finance, il cherche à prévoir si le prix va monter ou baisser. Objectif à priori relativement modeste si on le compare aux autres, mais qui va lui donner bien du fil à retordre. En vérité, il n’y arrive pas.
Pourtant, prévoir n’impose pas un grand nombre de conditions à remplir. Deux seulement. Que ce qui est prévu soit effectivement prévisible. Que celui qui prévoit soit capable de prévoir. Il arrive que l’on remplisse une condition mais pas l’autre. Par exemple, dans le cas d’un lancer de dé, la première condition est remplie mais pas la seconde. En effet, le résultat du lancer de dé est théoriquement prévisible à condition de connaitre tous les paramètres, les lois de la mécanique classique, et les conditions initiales : dans ce cas seulement la première condition est remplie. Sauf que nous sommes incapables de connaitre avec une infinie précision les conditions initiales : la seconde condition n’est alors pas remplie. Mais l’inverse est possible aussi, même si c’est un peu tordu. C’est-à-dire que l’Homme peut être capable de prévoir, même si c’est imprévisible… Par exemple, il est impossible de prévoir le passage de l’électron dans l’une des fentes de Young. Mais l’Homme le plus chanceux du monde pourra le prévoir, et même croire qu’il a trouvé à partir d’une méthode rigoureuse (paradoxe de Gettier).
Il est piquant de relever que l’Homme de la finance hésite encore à savoir dans quelle case il se trouve. C’est-à-dire remplit – il la première condition ? « Les marchés sont théoriquement prévisibles ». Ou bien remplit – il la seconde : « Je suis en capacité de prévoir les marchés ». Mais il a toujours fait comme s’il remplissait les deux conditions. La preuve, il continue d’investir, et la finance professionnelle continue d’exister. Il faut dire que l’Homme de la finance a toujours eu un rapport bancal avec la prévisibilité, une relation toxique qui lui coûte cher parfois, une fois sur deux en moyenne. En fait, il a toujours préféré le hasard à la certitude, un concept moins exigeant, plus ambigu, et surtout formidable outil à fantasmer l’horizon des possibles. Une posture qui lui permet ainsi de multiplier les scénarios proposés, balayant le spectre des possibles : contingent, probable, prévisible, incertain, fortuit… à la manière des philosophes ayant pensé l’aléatoire (Marcel Conches : l’Aléatoire).
Soyons indulgents, l’Homme de la finance n’est pas le seul à se cogner contre la boule de cristal. Le déterminisme Laplacien (Essai philosophique sur les probabilités, 1825) a déjà montré ses limites dans les sciences dures ou les sciences de la vie (Giuseppe Longo, Cristian S. Calud : Classical, Quantum and Biological Randomness as Relative Unpredictability, 2022). Dans tous les cas, ces limites manifestent l’échec à remplir l’une ou l’autre des deux conditions précitées : est – ce prévisible ? Puis – je le prévoir ?  Par exemple, le problème des 3 corps de Poincaré (physique classique) illustre l’échec à remplir la deuxième condition, comme pour le lancer de dé. Autre exemple, le chat mort et vivant de Schrödinger (physique quantique) illustre l’échec à remplir la première condition ; le hasard fait partie des propriétés mêmes de l’objet étudié. L’honneur est donc sauf pour l’Homme de la finance, qui fait semblant d’y croire malgré tout. A moins qu’il y croie vraiment.
Prévoir en finance : une possibilité
La théorie n’interdit pas de prévoir les rendements des actifs financiers, contrairement à une lecture sommaire souvent faite de l’efficience des marchés. La théorie autorise la prévisibilité, elle en autorise même deux. La première prévisibilité rémunère un risque et peut donc durer. La deuxième prévisibilité est une anomalie et ne va donc pas durer.
Premier type de prévisibilité : la durable
Les marchés sont prévisibles mais cette prévisibilité rémunère un risque, ou plus exactement une aversion à la covariance des marchés avec le cycle économique. Imaginez une crise économique. Vous risquez de perdre votre emploi. Mais c’est pire encore, car vous risquez aussi de perdre votre épargne. En effet vous détenez des actions, qui covarient positivement avec le cycle économique. Autrement dit, les actions ont tendance à monter lorsque le cycle est en expansion, et à baisser quand c’est la crise. Vous ne pouvez rien faire pour vous couvrir contre le risque de perdre votre emploi. Par contre, vous pouvez toujours vendre des actions afin de limiter la casse. Et c’est ce que vous faites. La vente de vos actions fait alors baisser leur prix, et c’est précisément cela qui va rendre les marchés prévisibles. Car les actions se retrouvent désormais à un prix inférieur à leur valeur intrinsèque. Vous voyez bien cela, mais vous n’êtes pas du tout disposés à saisir l’opportunité, puisque c’est justement votre aversion au risque qui motive votre défiance.  Un jour le prix remontera vers sa valeur intrinsèque, le jour où le cycle économique ne motivera plus d’aversion pour le risque de votre part. On parle alors de prévisibilité rationnelle. Et on précise que la théorie autorise la prévisibilité des rendements, mais interdit la prévisibilité des rendements ajustés du risque. Finalement, cette prévisibilité se résume de la façon suivante :
Les primes de risque covarient avec les cycles économiques
Les cycles économiques sont partiellement prévisibles
Donc les primes de risque doivent être aussi partiellement prévisibles

Deuxième type de prévisibilité : la fugace
Les marchés sont prévisibles, mais cette prévisibilité est une anomalie qui n’est pas censée durer. Imaginez un billet par terre. Quelle est la probabilité que ce billet reste là sans que personne ne le saisisse ? La nature n’aime pas le vide. Elle n’aime pas non plus l’irrationnel. Or, un billet qui reste par terre est irrationnel, attendu qu’il n’y a que peu d’efforts à fournir pour le ramasser, et qu’une fois dans votre poche vous pouvez en user à votre guise. Un peu comme si vous aviez emprunté à taux zéro un prêt que vous ne rembourserez jamais, et que vous aviez tout placé en actifs sans risque vous assurant un rendement pour l’avenir. En finance il existe une expression pompeuse pour interdire la chose : l’absence d’opportunité d’arbitrage. En pratique, cela signifie qu’un billet qui traine par terre trop longtemps est une d’anomalie. Autrement dit, s’il est bien prévisible de s’enrichir en ramassant ce billet par terre, il est fort probable que cette prévisibilité ne dure pas. Pour mieux saisir la chose, paraphrasons le président Abraham Lincoln :

 

Un Homo economicus peut passer 1000 fois devant le billet sans le ramasser
Mille Homo economicus peuvent passer 1 fois devant le billet sans le ramasser
Mais mille Homo economicus ne peuvent pas passer 1000 fois devant le billet sans le ramasser

En finance de marché, on a parfois beaucoup de mal à savoir ce qui relève de la première prévisibilité de la seconde. Un cas souvent cité est celui de la surperformance à long terme des actions de style value (bancaires, énergie…) relativement aux actions de style growth (Tech., Semi….). Puisqu’il était possible de prévoir une telle surperformance durable des actions de style value, on parla d’une prévisibilité de premier type, c’est-à-dire rémunérant un risque comme celui d’une récession économique susceptible de pénaliser davantage les actions de type value. Et puis à partir des années 90, le style value a cessé de surperformer le style growth. Deux explications possibles. Soit cette prévisibilité n’était finalement pas du premier type mais du second. Soit les investisseurs considèrent aujourd’hui à tort qu’il faut exploiter cette opportunité alors qu’elle rémunère réellement un risque.
Concluons cette partie par une précision importante. Nous avons vu que la théorie autorise la prévisibilité, ponctuelle ou durable. Mais elle ne l’implique pas automatiquement. Autrement dit, il s’agit d’une liberté négative. Les marchés ont le droit d’être prévisibles, ce n’est pas pour autant qu’ils usent ou peuvent user de ce droit… Et bien nous allons voir que si. Les marchés devraient être prévisibles, en droit, et en fait.  
Prévoir en finance : une évidence
Commençons par nuancer le propos qui va suivre. Il n’existe pas, et il n’existera jamais, de « Newton du brin d’herbe » (Kant, le philosophe des 3 critiques et de l’impératif catégorique). Le vivant ne se laissera jamais saisir complètement par quelque formalisme abscons, prédire encore moins. Mais une prévisibilité partielle, pourquoi pas ? C’est cela l’enjeu. Et pour tenter l’aventure, nul besoin d’invoquer la tarte à la crème irrationnelle, celle de nos biais multiples déjà tellement mis en évidence par la finance comportementale. Du réchauffé. Certes, ces biais sont un argument sérieux justifiant les exubérances, donc les crises, donc les opportunités, et donc la prévisibilité des marchés. Mais nous allons voir qu’il existe bien d’autres facteurs qui justifient davantage encore la prévisibilité des marchés, qui la rendent nécessaires oserait – on dire. Pèle mêle.
La triade noire
Nos traits de personnalité influent sur nos prises de risque. Nous nous connaissons de mieux en mieux. Nous savons même dans quelles cases nous ranger. L’homme de la finance par exemple se rangerait dans celle du psychopathe, ou plus spécifiquement un individu appartenant à la détestable triade noire : machiavélisme, narcissisme, psychopathie. Une espèce particulièrement opportuniste, et peu réceptive aux divers éléments de langage ou de morale susceptible de la distraire. Or, rappelons que l’opportunisme est la première cause de prévisibilité des marchés. C’est parce que les investisseurs sont opportunistes qu’on imagine la suite qu’ils donneront à une récession économique qui semble se terminer. L’Homme de la finance a la prévision dans le sang ou dans les gènes, en quelque sorte.
Dis – moi d’où tu viens, je te dirais ce que tu achètes
Nos origines influent sur la manière dont nous prévoyons. L’Homme de la finance n’est pas un modèle générique, mais géographique. Nuance capitale qui justifiera des prévisions différentes dans bien des domaines. Et en particulier en finance. L’origine de l’investisseur embarque des biais culturels qui vont influencer sa manière de voir le monde, le comprendre, et finalement l’anticiper. Exemple proposé au cours du collège de France sur les biais liés au langage et à la culture : « Les canadiens achètent quand les actions montent, avec l’idée implicite que cela va continuer (stratégies de tendance), tandis que les chinois achètent quand elles descendent, avec l’idée implicite qu’elles vont remonter (stratégies contrariantes) » En d’autres termes, dites – moi d’où vous investissez, et je vous dirai où ira le marché.
Des institutions pour dormir tranquille et mieux prévoir demain
Nos institutions nous aident à prévoir. La première cause de chaos économique ou financier est l’absence de règles, de normes, et d’institutions censées les garantir, comme le rappelle le poil à gratter des neurosciences : Albert Moukheiber. En effet, dans un environnement hostile l’agent économique ne peut rien prévoir, il se retrouve constamment à l’affut afin de lutter pour sa survie. Par contre, donnez – lui un cadre, une assurance, des bouées de sauvetage, et l’horizon se dégage. Il peut envisager demain, voire après demain. II peut faire des projets. Prévoir. En tirant le trait jusqu’au bout on pourrait presque en déduire que les démocraties libérales sont le terrain de jeu idéal pour prévoir. A l’extrême, le totalitarisme garantit des institutions mais des règles arbitraires.
L’angoisse de la mort
Tous les hommes sont mortels
L’Homme de la finance est un homme
Donc l’Homme de la finance est mortel

Rien de tel que le syllogisme trop connu d’Aristote pour planter le décor. La mort est un sujet sérieux. Mais que dire de l’angoisse de la mort. S’il ne devait en rester qu’une parmi toutes les angoisses possibles, ce serait bien elle. Privilège de l’Homme qui pense, lui seul peut se représenter de son vivant ce qu’est le néant qui vient après. A moins qu’il croie au paradis ? Mais alors il doit aussi craindre l’enfer. Il ne s’en sort pas. Une seule possibilité. Fuir. Au sens figuré bien entendu puisque la grande faucheuse court plus vite. Mais fuir prend alors la forme d’une quête, d’une cible à atteindre, un projet à réussir, une trace à laisser, d’un aveuglement qui sous estime la probabilité de mourir un jour, nous fait trop consommer au détriment d’une épargne pour les vieux jours, et empêche les prix des actifs d’atteindre les niveaux requis. Notre stratégie pour lutter contre l’angoisse de la mort se traduit donc par une sous – évaluation des actifs, et génère alors des opportunités pour qui sait relativiser sa triste condition.
Le libre arbitre pré – déterminé
Si tout est écrit à l’avance, tout est prévisible. Mais si tout est libre arbitre, alors rien n’est prévisible. Dès le début, l’Homme doit choisir son camp. Le choix n’est pas facile. La foi nous incline à choisir un camp, la grâce de Saint Augustin par exemple. Mais parfois, la foi est ambigüe. Par exemple, la prédestination ne serait pas la négation du libre arbitre : « Dieu ne prédestine personne à l’enfer ; pour cela, il faut s’éloigner volontairement de Dieu (un péché mortel) et persister dans cette voie jusqu’à la fin » (CEC 1037). Chemin faisant, le libre arbitre a quand même pris les devants sur la prédestination, l’âge de la raison (les Lumières) aidant. Et très vite, Narcisse a pris le melon. Il s’est cru vraiment seul maitre à bord, croyant pouvoir décider de tout et avoir une influence sur tout. Mais la sociologie dans un premier temps, puis aujourd’hui les sciences cognitives et les neurosciences nous démontrent les multiples influences possibles et inconscientes dans les choix assumés de l’intéressé : images subliminales, fausses croyances…
Finalement, il semblerait qu’il existe quand même un compromis possible entre le déterminisme et le libre arbitre. Une forme de libre arbitre avec modération, ou partiel, ou prédéterminé. Parmi les approches proposées, il y a celle du cerveau opérant tout seul de manière inconsciente un premier tri entre différents choix possibles, puis dans un second temps le cerveau choisirait consciemment en fonction des options restantes. Le philosophe (Daniel Dennett par exemple) parle de compatibilisme, le religieux de semi – pélagianisme. Dans les deux cas, on parle alors de prédéterminisme, donc de prévisibilité partielle.
Prévoir les marchés : un acte manqué
Allons droit au but, il n’est pas atteint. La conclusion qui va suivre est décevante. Pour croire à la prévisibilité, la foi est nécessaire car les preuves manquent. Certes, les publications pullulent, celles pour et celles contre. Et certes, il existe une forme de consensus mou en faveur de la prévisibilité des marchés. Mais rien de tranché ou définitif sur le sujet. Car la recherche échoue à proposer un cadre qui tranche le débat, tel qu’une collaboration adversariale permettant d’établir un protocole confrontant les différentes thèses en terrain neutre en quelque sorte. A croire que la chose est indécidable. Tant pis, tant mieux. Le débat s’enlise, alors les pour font fi des contre, et font comme si la prévisibilité était un fait.
Ils déroulent alors l’idée de la prévisibilité jusqu’au bout, invitant l’épargnant à allouer dynamiquement son exposition en actifs financiers conditionnellement à cette prévisibilité (John Y. Campbell et Luis M. Viceira : Strategic Asset Allocation : Portfolio Choice for Long – Term Investors, 2001 ). En pratique, cela revient dans un premier temps à estimer les performances à venir des marchés à l’aide de certaines variables conjuguant pouvoir prédictif et intuition économique. Parmi elles on retrouvera des variables économiques (Output gap, investissement sur capital, consumption wealth ratio…), des variables liées aux conditions financières (taux courts réels, spread de crédit, courbe de taux…), des variables liées à la valorisation des marchés d’actions (PER de Shiller, dividend yield, prime de risque, Q de tobin…), et d’autres variables dites plus exotiques… Dans un second temps, il s’agit d’intégrer ces prévisions dans le programme d’optimisation de portefeuille de l’investisseur, afin qu’il détermine les différents poids d’actifs à détenir dans son allocation. Des poids qui pourront varier dans le temps, puisque les prévisions elles – mêmes et l’incertitude les accompagnant, pourront évoluer en fonction du cycle économique (hedging demand)
Hélas, cette approche élégante se paie le plus souvent d’une surcharge technique rebutante. Si bien qu’il est alors difficile de mettre en évidence des signes tangibles d’une prévisibilité des marchés qui ne soit ni la rémunération d’un risque, ni l’expression d’une anomalie. Et parmi les articles les plus gênants, il y a celui – là publié il y a déjà 20 ans, et tout récemment remis à jour par les auteurs comme pour faire écho au succès de leur première publication : Amit Goyal, Ivo Welch, Athanasse Zafirov, A Comprehensive 2022 Look at the Empirical Performance of Equity Premium Prediction, pour une publication imminente. Ces chercheurs s’évertuent à conjuguer 2 principes qui manquent cruellement à tous les autres articles. L’exhaustivité des variables prédictives dénichées par la recherche académique. L’honnêteté des tests effectués pour savoir si ces variables prévoient effectivement. La conclusion des chercheurs est clairement décevante. Si la prévisibilité existe vraiment, elle semble bien faible, et peu exploitable économiquement.
Enfin, impossible de passer sous silence l’arrivée en fanfare du big data accompagné de son lieutenant le Machine Learning, le tout supervisé ou pas par l’IA. A ce stade, la conclusion est décevante également, la promesse a pour l’instant accouché d’une souris. Les optimistes diront « peut mieux faire ». Les pessimistes relèveront des biais trop nombreux. Aujourd’hui, le sens de l’histoire est plutôt à la démystification des variables prédictives identifiées par ces têtes de bits de la finance. Soit ces variables racontent toutes plus ou moins la même chose (Zoo of factors…). Soit ces variables avouent des crimes qu’elles n’ont pas commis (Deluge of spurious correlations in Big data…)  
Il existe tout un tas d’énigmes en finance. La plus connue est l’énigme de la prime de risque actions. Autrement dit, l’excès de rendement des actions relativement au rendement sans risque est trop élevé, à moins de supposer une aversion pour le risque bien supérieure à celle relevée par ailleurs dans les mesures standards. Admettons, on obtient alors une autre énigme, celle du taux sans risque. Le taux d’intérêt théorique est bien trop élevé par rapport aux taux observé, à moins de supposer que la préférence pour le présent se mue en préférence pour le futur… Et quand bien même ces deux énigmes étaient finalement résolues, il y en a une qui résisterait à toutes les pirouettes techniques, c’est l’énigme de l’allocation d’actifs. En théorie l’allocation entre obligations et actions doit rester inchangée quel que soit le profil de risque de l’investisseur ; en pratique l’investisseur prudent aura tendance à détenir trop d’obligations relativement aux actions. D’ailleurs, cette énigme fait écho à une autre, à moins qu’elle ne soit que la seconde face d’une même pièce : les investisseurs ajustent trop peu leurs portefeuilles en cohérence avec leurs révisions en termes de prévisions.
Mais quand même. De toutes les énigmes de la finance relevées à ce jour, il semble que celle de l’imprévisibilité des marchés l’emporte sur toutes. Les marchés sont bel et bien imprévisibles, alors qu’ils ne devraient pas. Certes, une énigme qui n’empêchera pas la finance professionnelle de continuer son œuvre. Car prévisibilité ou pas, il faut bien continuer de donner le change, peigner la girafe. Et qu’importe si la foi fait défaut, puisque de toute façon « ça marche même si on croit pas », fit remarquer Niels Bohr le physicien quantique après avoir accroché un fer à cheval à sa porte.
Un jour l’Homme de la finance prévit qu’il arriverait à prévoir,
ce qui fut une surprise, car cela il ne l’avait pas prévu.
De l’usage de la planche Ouija en finance.
 
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Karl Eychenne

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Chercheur chez Oblomov & Bartleby

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