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Politique fiscale optimale et faisabilité politique – Conversation avec Pierre Boyer, nominé au prix du Meilleur Jeune Economiste français 2023

parPierre Rousseaux
18 octobre 2023
dans France, Interviews
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Politique fiscale optimale et faisabilité politique – Conversation avec Pierre Boyer, nominé au prix du Meilleur Jeune Economiste français 2023
AUTEUR            Pierre Rousseaux
FORMAT            Interviews
DATE                  18 octobre 2023
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Professeur à l’École polytechnique, directeur adjoint de l’Institut des Politiques Publiques (IPP), et membre du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), Pierre Boyer a été nominé au Prix du Meilleur Jeune Économiste français 2023, décerné par le journal Le Monde et le Cercle des Économistes. Dans cette conversation, nous discutons des questions de taxation optimale et de leur intersection avec la question de l’acceptabilité de l’impôt et des contraintes politiques qui façonnent ces choix.
Follow @Pierre Boyer Follow @Ecole Polytechnique
Pierre Rousseaux – Pourquoi avez-vous souhaité investir le domaine de l’économie politique, et en particulier l’intersection entre l’économie politique et la littérature sur la taxation optimale ?
PIERRE BOYER – En ce qui concerne l’économie en général, j’ai grandi dans les années 1990, une période marquée par le chômage de masse, les débats sur la monnaie unique et l’inflation avec l’entrée dans l’euro qui se profilait. Je souhaitais comprendre le monde qui m’entourait, et l’économie m’offrait les pistes dont j’avais besoin. Le choix plus précis de l’économie politique et de la taxation optimale, sur lesquels je travaille aujourd’hui, s’est fait de manière plus progressive. Le moment révélateur a été un cours d’économie publique que j’ai suivi lors de ma licence d’économie, puis pendant mon doctorat, j’ai choisi un sujet lié à l’économie publique, à savoir l’approvisionnement des biens publics et la taxation. Avec un co-auteur Felix Bierbrauer, aujourd’hui Professeur à l’Université de Cologne, nous avons voulu essayer de comprendre comment les variables d’un système de taxation étaient choisies politiquement. 
Lorsque vous examinez la manière dont cela était abordé dans la littérature universitaire, c’était très frustrant, car il y avait deux mondes séparés. D’un côté, il y avait l’économie publique normative, qui définissait un barème optimal basé sur une fonction de maximisation du bien-être. Dans cette approche, on suppose qu’un planificateur choisit de manière bienveillante le barème en fonction de ses préférences pour la redistribution. De l’autre côté, il y avait l’économie politique, qui voit le schéma de taxation adopté comme le résultat d’une lutte politique. Ces deux approches de la littérature ne coïncidaient pas en termes de conception des instruments et de leur mise en œuvre. Avec mes co-auteurs, nous avons donc essayé de combler ce vide. 
Vous avez en particulier essayé d’étudier les contraintes politiques qui s’imposent à la politique fiscale de l’État. S’agit-il de contraintes venant du jeu de la compétition politique, ou de freins qui peuvent venir de l’opinion publique par exemple ? 
Il y a plusieurs façons d’aborder cette concurrence politique. Tout d’abord, vous avez le niveau des préférences de la population. Dans une certaine mesure, le système politique reflète les préférences de la population, c’est donc une agrégation des préférences. Par exemple, si la majorité des Français ne souhaite pas de taxe carbone, il est logique que le gouvernement ne propose pas de taxe carbone. Mais il y a également le jeu politique qui se déroule, par exemple, lors des élections présidentielles, où la question de la fiscalité est presque toujours abordée. Il s’agit alors de construire un programme en favorisant la consommation ou l’épargne, la génération actuelle ou la génération future, un type de revenu spécifique (travail ou capital), ou certains groupes de la population par rapport à d’autres. Dans ce jeu politique, il y a une dimension électorale, c’est-à-dire qu’il existe une plateforme politique qui peut vous permettre de remporter une élection. Ainsi, vous devez choisir en fonction du soutien de la population pour vos propositions. Dans le cadre de cette compétition électorale, il est essentiel de prévoir que les actions des autres acteurs politiques auront des conséquences sur le type de schéma que vous proposez. Par exemple, vous pourriez souhaiter proposer quelque chose qui favorise les générations futures, mais si les jeunes ne votent pas et ne sont donc pas pris en compte dans le choix électoral, ils ne seront pas favorisés par le schéma qui sera choisi.
Un modèle influent et fondateur dans votre littérature est celui de James Mirrlees, pouvez-nous en dire plus sur son contexte, son utilité, et les conclusions tirées de ce modèle de taxation optimale ? 
Le modèle de Mirrlees, publié en 1971, est un modèle très important en économie publique et dans ce qu’on appelle le mechanism design, qui permet de comprendre le lien entre la taille du gâteau économique et la manière dont il est redistribué. Si la taille du gâteau est fixe, la manière dont vous le redistribuez n’a pas d’impact sur sa taille. Cependant, en économie publique, la taille du gâteau dépend de la façon dont vous le redistribuez. Par exemple, si vous souhaitez redistribuer davantage vers les personnes modestes en taxant les plus aisées, mais que cela conduit les plus aisées à travailler moins, la taille du gâteau diminue. Par conséquent, la quantité que vous pouvez potentiellement redistribuer aux plus modestes, qui est votre objectif, va être affectée par la manière dont vous opérez la redistribution, c’est-à-dire comment vous affectez la taille du gâteau.
Le modèle de Mirrlees permet de déterminer la forme d’un schéma de taxation optimale, c’est-à-dire comment les revenus doivent être taxés à différents niveaux de la distribution. Vous pouvez le visualiser comme le barème fiscal que vous trouvez sur le site impots.gouv.fr, avec plusieurs tranches et des taux marginaux. Le modèle de Mirrlees vous donne ce barème comme résultat d’un programme d’optimisation dans lequel vous maximisez une fonction de bien-être en devant respecter une contrainte budgétaire et des contraintes d’incitation qui visent à garantir que les individus sont incités à continuer de travailler. Ce qui rend ce modèle particulièrement novateur est aussi l’élégance avec laquelle Mirrlees a résolu ce problème complexe (dit de contrôle optimal). 
Également, dans l’introduction de l’article, Mirrlees présente sept hypothèses qui ont façonné le programme de recherche en économie publique depuis de nombreuses années, en particulier concernant les différentes formes de taxation du travail et du capital, la question de l’hétérogénéité des préférences, de l’élasticité de l’offre de travail, le décalage entre les choix des agents dans son modèle et le comportement réel des agents, l’optimisation fiscale (les gens peuvent-ils dissimuler une partie de leur revenu ?), la concurrence entre les États (que se passe-t-il si j’ai une économie ouverte et que cela influence la migration des personnes d’un pays à l’autre ?), ainsi que la fonction objectif (est-ce raisonnable de penser que le choix est fait par un planificateur bienveillant ?). Si à la fin de son article, une simulation (complexe pour l’époque) montrait que le barème optimal était proche d’un barème proportionnel, ce sont des contributions théoriques trop éloignées de la réalité pour avoir des implications pratiques.
La deuxième révolution du modèle de Mirrlees a eu lieu en 2001, lorsque Emmanuel Saez a repris le modèle et a réécrit les formules de taxation optimale en utilisant ce que l’on appelle des statistiques suffisantes (Thomas Piketty a également anticipé cette reformulation dans un cadre simplifié en 1997). Cette nouvelle formulation permet d’utiliser les résultats de la théorie pour des recommandations de politique économique. En effet, la calibration du modèle peut être faite de manière réaliste car les statistiques suffisantes peuvent être observées finement par exemple avec des données administratives telles que la distribution des revenus. Cela a ouvert la voie à toute une série de recherches qui utilisent ce type de modèle pour formuler des recommandations. Cela représente une nouvelle vie pour le modèle de Mirrlees ! 
Le modèle de Mirrlees et la manière dont il a été résolu ont également ouvert la voie à d’autres domaines de l’économie pour résoudre des problèmes similaires. De nombreux prix Nobel ont été attribués dans des champs liés aux applications du mechanism design, que ce soit dans les enchères, l’information, l’organisation industrielle ou les travaux de Jean Tirole par exemple. 
Quelles ont été les applications concrètes de ce modèle ?
En ce qui concerne les implications concrètes, la connexion entre l’aspect empirique et le modèle a été très novatrice. Prenons par exemple la taxation en haut et en bas de la distribution des revenus. Pour la première, vous pouvez comparer le schéma actuel, par exemple le taux marginal de 45% en France sur les revenus les plus élevés, avec la recommandation que votre modèle prédit. Ainsi, vous avez une prédiction directe selon laquelle si l’objectif social est, par exemple, de réduire les inégalités – favoriser le bien-être des plus modestes – alors vous devriez avoir un taux de taxation de 55% si l’élasticité est de 0,2 et la distribution des revenus à une forme particulière (Diamond, 1998). Si vous augmentez l’élasticité à 0,5 dans le même cadre, vous réduirez votre taux marginal à 38%, ou si la distribution des revenus est plus inégale, cela changera la prédiction de votre modèle : vous voulez arriver à des taux de 80 et 67% pour des élasticité de 0,2 et 0,5 respectivement. Lorsque le choix est fait par un planificateur avec un poids plus important pour l’utilité des individus les plus modestes de la population, il est difficile de justifier une réduction des taux de taxation pour les plus riches, sauf dans des situations où l’on se trouve au-dessus de la courbe de Laffer ou de la courbe de Jules Dupuit (ingénieur et économiste français qui a formalisé l’intuition de Laffer dès 1844), soit que le taux d’imposition est si fort que les hauts revenus adoptent des stratégies d’évasions fiscales. Dans ces situations, l’imposition en place est excessive et ouvre la possibilité pour une réduction du taux marginal des plus aisés qui va être accompagnée par une hausse des revenus collectés par le gouvernement : la baisse d’impôt s’autofinance !
Dans le monde réel, nous avons observé des réductions d’impôts sur les revenus, telles que les réformes menées sous la présidence de Chirac, les réformes des années 80 avec Thatcher et Reagan, les réformes des années 2000 avec Bush et celles de 2017 sous Trump. Ces réductions drastiques des taux de taxation pour les plus aisés semblent toutefois paradoxales quant à leur faisabilité politique. Dans un article publié en 2021, nous montrons qu’il est politiquement possible d’obtenir le soutien de 50% de la population en mettant en place de tels schémas de taxation, mais cela nécessite de les concevoir de manière à ce que les taux marginaux ne soient pas simplement réduits pour les revenus les plus élevés, mais qu’ils diminuent également de manière significative dans la distribution des revenus, jusqu’à la médiane. Ainsi, vous pouvez compenser la baisse des revenus en réduisant les impôts, mais vous devez effectuer des changements suffisamment importants dans la taxe pour une part importante de la population afin de rendre cela politiquement réalisable. 
Une autre tension concerne les types de subventions liées au travail, comme le crédit d’impôt sur le revenu (Earned income tax credit) aux États-Unis ou la prime d’activité en France. Depuis les années 70 aux États-Unis, on observe une expansion de ce type de programme où le travail est de plus en plus subventionné. Dans ces cas, pour chaque euro gagné, l’État ne prélève pas d’impôt mais verse une somme d’argent. Cela crée une situation où les taux marginaux sont négatifs, c’est-à-dire qu’il y a une subvention pour chaque euro additionnel gagné. Cependant, le modèle de Mirrlees indique que les taux marginaux négatifs ne peuvent pas être le résultat d’un programme de maximisation. Pourquoi ? Parce que dans le modèle de Mirrlees, il est préférable de fournir des transferts forfaitaires de base aux personnes les plus modestes, puis d’avoir des taux relativement élevés pour garantir des incitations à travailler pour ceux qui se situent au-dessus. Mais cette tension peut être résolue en montrant que, politiquement, il y a un fort soutien de la population pour des subventions avec des taux marginaux négatifs. En réalité, cela représente une manière de redistribuer les revenus de la partie inférieure de la distribution vers la partie médiane. Imaginez que vous vous trouviez au milieu de la distribution des revenus et que vous souhaitez redistribuer de l’argent de la partie supérieure de la distribution vers vous. Dans ce cas, il est facile de comprendre que vous souhaitez des taux de taxation élevés au-dessus de vous pour effectuer cette redistribution. Cependant, si vous vous trouvez au milieu de la distribution des revenus et que vous souhaitez redistribuer de l’argent de la partie inférieure de la distribution vers vous, vous ne pouvez pas imposer des taux marginaux positifs aux revenus inférieurs aux vôtres car vous vous taxeriez vous-même. Par conséquent, vous adoptez une approche différente en utilisant des subventions qui augmentent avec le revenu, tout en réduisant les transferts forfaitaires. Ainsi, vous maximisez la subvention à votre niveau de revenu. C’est la forme des programmes tels que la prime d’activité ou le crédit d’impôt sur le revenu. Nous démontrons dans notre article que cela bénéficie d’un large soutien politique de la population, car cela permet une redistribution des revenus de la partie inférieure de la distribution vers la partie médiane.
Dans vos études des contraintes politiques auxquelles est soumise la politique fiscale de l’État, vous vous êtes récemment intéressé à la question du consentement à l’impôt. En particulier, vous participez avec les membres du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) à la construction d’un baromètre sur ce point. Pouvez-vous nous en expliquer le contexte et les objectifs ? 
Le baromètre des prélèvements obligatoires a été créé par le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), avec sa première édition en 2021. Il s’inscrit dans la mission du Conseil, qui a été créé en 1971 par Valéry Giscard d’Estaing, alors ministre de l’Économie, de réconcilier les Français avec l’impôt. L’idée était dès le départ de se poser la question de ce qui pourrait être fait pour que les Français acceptent l’impôt, de comprendre les mécanismes et d’améliorer le système de transferts et d’impôts en France. Dans ce contexte, le Conseil a identifié un outil qui manquait dans la grille pour la décision politique, notamment lorsque de nouveaux impôts doivent être levés. Il était nécessaire de se demander s’il serait politiquement plus acceptable d’augmenter ou de diminuer l’impôt sur le revenu ou encore comment le faire avec la TVA, par exemple. Le baromètre constitue ainsi une première étape dans cette direction en essayant de comprendre comment les Français perçoivent l’impôt et comment rendre l’impôt plus acceptable politiquement. C’est d’autant plus important que la puissance publique repose sur la capacité à générer des recettes, et actuellement, il y a des besoins considérables en termes de financement de la transition écologique et des dépenses qui ont eu lieu pendant la pandémie. 
Une intuition intéressante à souligner est celle de Pierre Moscovici, président du Conseil, qui a évoqué le ras-le-bol fiscal dès 2013, une période marquée par les bonnets rouges, les pigeons, et plus tard, les gilets jaunes. Bien que ces mouvements ne soient pas exclusivement liés à la fiscalité (voir l’article sur les déterminants de la mobilisation des gilets jaunes), cette période a clairement montré que l’acceptation de l’impôt ne peut être considérée comme acquise. Cela illustre le contexte dans lequel le baromètre a été développé. S’agissant de la construction du baromètre, il vise essentiellement à résumer les connaissances issues de la littérature en sciences politiques, économie, droit, psychologie et sociologie afin de comprendre les déterminants du consentement à l’impôt en France. Mesurer le consentement à l’impôt est une tâche difficile, c’est pourquoi le baromètre utilise plusieurs mesures pour obtenir une vision globale. 
En effet, lorsque l’on parle d’impôt, deux choses différentes peuvent être regroupées sous le même terme. D’un côté, il y a le fait de payer ses impôts, ce qui peut être considéré comme un acte de civisme fiscal. D’un autre côté, il y a l’acception politique du système actuel. Les deux ne sont pas nécessairement confondus : on peut être en profond désaccord avec la manière dont le système est conçu, tout en continuant à payer ses impôts lorsque l’on est redevable. Il est donc intéressant d’avoir différentes dimensions pour tenter de les distinguer. Dans cette enquête, nous explorons différentes mesures pour saisir ces différentes dimensions du consentement. Par exemple, nous posons des questions sur le civisme fiscal, telles que “Considérez-vous que payer des impôts est un acte citoyen ?”. Cela concerne vraiment le principe même de l’impôt, qui est lié à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (article 13), où il y a une connexion entre citoyenneté et impôt. Ensuite, nous posons des questions sur le système actuel, telles que “Pensez-vous payer trop d’impôts aujourd’hui en France ?” tant au niveau individuel que collectif. 
Quelles sont les conclusions de ce baromètre ?
Il existe trois conclusions à notre première analyse. Tout d’abord, il y a une corrélation positive entre une meilleure connaissance du système fiscal et un meilleur consentement. Nous testons ces connaissances en posant des questions sur le pourcentage du PIB que représentent les prélèvements obligatoires, sur la classification des impôts, sur ceux qui rapportent le plus, etc. Deuxièmement, la confiance joue un rôle important. Plus les personnes ont confiance dans les institutions publiques (communes, départements, régions, État, Union européenne), plus le consentement est élevé. Troisièmement, l’utilisation de l’argent public est un facteur déterminant. Les personnes qui estiment que l’argent public est bien utilisé ont tendance à exprimer un consentement plus élevé. Parmi ces trois facteurs, l’utilisation de l’argent public est celui qui présente la corrélation la plus forte avec un consentement positif. 
Ainsi, afin d’anticiper et augmenter le consentement, il semble important de jouer sur le levier de l’allocation des dépenses publiques ? 
L’utilisation des dépenses publiques englobe deux aspects. Tout d’abord, il s’agit de savoir comment l’argent public est réparti entre les différentes catégories de dépenses. Par exemple, certaines personnes pourraient estimer qu’il faudrait accorder une plus grande part du budget à la défense et réduire les dépenses dans l’éducation, ce qui diffère de la situation actuelle. Il s’agit donc de questions distinctes à aborder. Ce qui est intéressant et que vous mentionnez, c’est que la perception de justice dans le système fiscal est positivement corrélée au consentement. Cependant, si quelqu’un estime que le système n’est pas juste, cela peut se manifester de deux manières différentes. Certains peuvent penser que le système ne redistribue pas suffisamment, tandis que d’autres peuvent penser qu’il redistribue trop. Nous constatons que ceux qui estiment qu’il n’y a pas suffisamment de redistribution ont un consentement moindre, tout comme ceux qui estiment qu’il y a une redistribution excessive. Ainsi, il est important de noter que les leviers liés à l’utilisation de l’argent public semblent être perçus positivement par l’ensemble de la population, alors que le facteur de justice est plus complexe, car les individus ont des valeurs et des systèmes de croyances différents. 
Dans cette perspective, si nous cherchons quelque chose de consensuel, il semblerait que cela se joue davantage sur l’utilisation de l’argent public, la connaissance et la confiance, plutôt que sur le concept de justice. C’est précisément ce que nous prévoyons de tester cette année dans le cadre de la nouvelle édition du baromètre. Nous mettrons en place une expérience dans laquelle nous ferons varier la perception de l’utilisation de l’argent public en montrant une vidéo sur le contrôle des dépenses, afin de voir si cela peut potentiellement influencer leur perception. 
Le Baromètre 2.0 sera-t-il basé sur le même panel de personnes ? Avec une méthodologie différente ?
Il s’agit d’une étude transversale (cross-section), ce qui signifie qu’à chaque baromètre nous n’aurons pas les mêmes individus. La question de savoir si nous pourrions suivre les mêmes personnes et étudier les variations du consentement à l’impôt dans le temps est très pertinente, mais malheureusement, cela n’est pas possible pour le moment. L’appariement statistique des données sera réalisé par l’INSEE en utilisant les données administratives de la DGFIP, mais nous n’avons pas encore établi une telle collaboration
Pour cette expérience, nous utilisons une méthodologie expérimentale classique. Nous formons un groupe de traitement et un groupe témoin. Nous montrons la vidéo au groupe de traitement, tandis que le groupe témoin ne la voit pas. Après avoir visionné la vidéo, nous posons des questions sur leur confiance dans la gestion de l’argent public. Cela nous permettra de comparer les réponses du groupe de traitement avec celles du groupe témoin et d’évaluer l’impact de la vidéo sur la perception et le consentement à l’impôt. Il est important de noter que nous faisons en sorte de choisir un individu dans le groupe témoin qui soit le plus similaire possible à chaque individu du groupe de traitement, afin de garantir des groupes comparables.      
L’appariement avec les données de l’INSEE vous permettra de cibler des actions de sensibilisation sur des populations précises (par PCS, tranche de revenus) ? 
En effet, les données administratives peuvent fournir des informations précieuses sur la réalité de l’imposition d’un foyer, ce qui peut différer de la perception individuelle. Par exemple, si une personne estime qu’elle paie trop d’impôts, il est important de vérifier si son taux effectif d’imposition sur le revenu est réellement élevé ou non. Cette comparaison entre la perception et la réalité peut être très informative. Si une personne pense qu’elle paie trop d’impôts, mais que les données administratives montrent qu’elle se situe en réalité dans une tranche d’imposition faible, cela peut fournir des indications intéressantes sur les écarts entre la perception et la réalité fiscale. Il en va de même si une personne pense qu’elle paie peu d’impôts mais que les données administratives révèlent qu’elle fait partie des 10% les plus imposés en France. Cette analyse de l’écart entre la perception et la réalité fiscale peut nous aider à mieux comprendre les attentes, les préoccupations et les croyances des contribuables en matière d’imposition. Cette comparaison entre perception et réalité fiscale constitue une innovation dans la littérature sur le consentement à l’impôt, et nous construisons sur les travaux de l’économiste Stefanie Stantcheva en adaptant cette approche au contexte français.
Sujets FiscalitéMJE
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Pierre Rousseaux

Pierre Rousseaux

Président cofondateur et rédacteur en chef d'Oeconomicus; Doctorant au CREST (École Polytechnique, ENSAE) et économiste à l'Institut des Politiques Publiques (IPP)

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