Pierre Rousseaux – Pourquoi vous êtes-vous intéressé à la politique et pourquoi s’y être investi ?
PIERRE PERSON – J’ai commencé à m’intéresser à la politique à un jeune âge, notamment pendant le mouvement contre le Contrat Première Embauche (CPE), qui visait à encourager l’embauche des jeunes, mais que je trouvais très injuste et inégalitaire. Cela a été mon premier engagement politique. Depuis lors, j’ai été impliqué en politique pendant plus de 15 ans. Mon implication a été intermittente en tant que militant, car à l’origine, je ne prévoyais pas de me présenter aux élections, du moins pas tout de suite. Ma carrière politique n’était pas mon objectif principal, et j’avais d’autres projets avant de décider de me retirer en 2022 pour reprendre mon parcours dans le secteur privé.
Quels sont les changements que vous avez constaté en politique ces dernières années, et quels sont les prochains défis à vos yeux ?
Je pense qu’il y a eu, comme tout le monde l’a vu, une explosion du paysage politique bipartite qui s’est transformée en un paysage politique plutôt tripartite. Je ne pense pas que ce soit une très bonne chose au regard de l’offre politique actuelle, sachant que le centre a toujours une faiblesse dans sa capacité à accéder au pouvoir, ou du moins à le conserver. Nous le verrons lors des prochaines élections. Donc, je suis assez pessimiste compte tenu de la forme que revêt actuellement notre paysage politique. Ensuite, je suis très préoccupé par le niveau actuel de la politique. Peut-être que nous, en politique, avons une part de responsabilité, mais je pense que le niveau en politique a drastiquement chuté au cours des 20 dernières années. Quelles en sont les conséquences ? Cela découle surtout, à mon avis, de l’attractivité actuelle du métier politique, qui ne devrait pas l’être, bien qu’il ait souvent été perçu comme un métier. Cela résulte également de la façon dont les politiciens sont formés aujourd’hui et du mécanisme politique actuel qui fait que ce ne sont généralement pas les meilleurs qui restent en politique.
Je suis assez pessimiste quant à la capacité actuelle de la démocratie représentative à se renouveler de manière significative. Je crois profondément en la nécessité d’une réforme institutionnelle. Je ne pense pas du tout que la Ve République soit capable d’évoluer dans la bonne direction. Malheureusement, elle a beaucoup vieilli et n’est plus en mesure de répondre aux besoins et aux demandes de nos concitoyens en matière de gouvernance et de politique en général. C’est pourquoi je plaide en faveur d’une VIe République, car je pense qu’il faut rétablir un meilleur équilibre entre les pouvoirs, notamment entre le pouvoir administratif et le pouvoir politique. Une rénovation véritable du pouvoir politique est nécessaire pour rétablir la confiance, et cette confiance ne se limite pas à la transparence.
Il y a une jeune génération d’intellectuels et de chercheurs qui se penchent sur ces questions, mais ce qui manque vraiment en politique aujourd’hui, c’est une vision à long terme. Il est toujours intéressant d’observer d’autres pays et dirigeants, car ils ont une culture du temps différente. Nous avons besoin de personnes qui ont une vision à long terme tout en étant pragmatiques à court terme, car le pragmatisme ne peut pas être la seule clé de la politique. Certaines personnes ont peut-être surestimé son importance dans mon camp politique en affirmant que c’était la pierre angulaire de toute politique publique. Pour ma part, je ne crois pas que l’on puisse guider les gens vers un destin ou un idéal commun en se concentrant uniquement sur la suppression de la taxe d’habitation. Ce n’est pas cela, à mon avis, la politique. D’un autre côté, il est essentiel de ne pas se limiter à la théorie politique et au dogme ; il faut aussi agir concrètement. La politique doit réunir ces deux objectifs, et malheureusement, on constate les mêmes lacunes dans l’offre politique, qu’elle provienne de la gauche, de la droite, de l’extrême gauche ou de l’extrême droite. C’est pourquoi je pense que le système a besoin d’un changement véritable, pas seulement d’un changement de visages, mais aussi d’une révision des règles du jeu. Également, la radicalité politique ne doit pas s’exprimer vis-à-vis des autres, elle doit s’exprimer vis-à-vis d’un projet. Mais ce que l’on voit aujourd’hui, c’est une violence gratuite, que ce soit dans la société ou en général, et cela se retrouve également à l’Assemblée.
Quel est à vos yeux le rôle de l’économiste dans la société et pour un décideur politique ?
Contrairement aux sciences dures, l’économie s’immerge dans la complexité des comportements humains et des choix collectifs. C’est ce qui rend le travail des économistes si fascinant et vital. Ils s’appuient sur des modèles pour naviguer à travers cette complexité, tout en étant pleinement conscients de leurs limites. Même si l’économie ne garantit pas toujours des prédictions exactes, elle offre une perspective pour mieux comprendre les dynamiques à l’œuvre. Les économistes servent de pont entre la théorie économique et la réalité. Leur expertise guide tant les entreprises que les gouvernements, tout en éduquant le grand public sur les enjeux économiques. Au bout du compte, ils aspirent à éclairer la voie vers une société plus équilibrée et florissante.