Cette semaine nous traitons la hausse des prix de l’énergie, l’indemnité inflation, la réforme de l’assurance chômage, le lancement du premier ETF lié au Bitcoin et l’activité M&A de l’année 2021. Bonne lecture !
Politiques publiques & Macroéconomie
Les prix de l’énergie
Face à la hausse des prix de l’énergie, certains Etats membres de l’Union européenne ont décidé d’abaisser les taxes sur l’énergie : l’Espagne a abaissé sa TVA sur l’énergie à 10 %, contre 21 % auparavant. La France avait organisé la distribution d’un chèque énergie de 100 euros à une partie des ménages et la mise en place d’un tarif réglementé sur le gaz. La semaine dernière, l’Allemagne a quant à elle diminué de 43 % la redevance sur les énergies renouvelables (EEG).
Le 13 octobre, la Commission européenne a présenté un ensemble de mesures permettant de « faire face à la situation exceptionnelle », et de lutter à court et moyen terme contre l’élévation des prix de l’énergie. A court terme, l’objectif visé est l’atténuation de l’impact de la hausse des prix pour les groupes les plus vulnérables ainsi que les petites entreprises, en allégeant la fiscalité, en mettant en place des garde-fous et en autorisant des reports temporaires de paiement des factures pour éviter les coupures de réseau. A moyen terme, les mesures proposées doivent permettre un « système énergétique décarboné et résilient », en augmentant les investissements dans les énergies renouvelables, ou par une possible refonte du marché commun de l’énergie.
Ces sujets ont été à nouveau abordés les 21 et 22 octobre au Conseil, dans un contexte relativement tendu. Il n’y a pour l’heure pas de consensus concernant les mesures à adopter. Pour les Pays-Bas ou le Luxembourg, qui considèrent cet événement comme exceptionnel, cette envolée des prix ne nécessite pas de réformer le marché européen de l’énergie. Un certain nombre de pays, à la tête desquels l’Espagne, appelle en revanche de ces vœux des changements structurels : par exemple, la mise en place d’une démarche d’achat de gaz groupé au niveau européen pour négocier de meilleurs prix.
Mardi 26 octobre 2021, le Conseil TTE (Transports, télécommunications et énergie) réunira pour une session extraordinaire les ministres de l’énergie de l’UE, pour approfondir la thématique de la lutte contre la hausse des prix de l’énergie, et faire « avancer immédiatement les travaux en la matière ».
L'indemnité inflation
Avec cette mesure qui représente près de 3,8 milliards d’euros, le gouvernement marque sa volonté de répondre aux inquiétudes des Français face à la flambée des carburants, mais pas que puisque « qu’il n’y a pas que l’essence » qui augmente comme le souligne le premier ministre Jean Castex. Dès lors, cette indemnité « classe moyenne » s’accompagne également du gel des prix du gaz qui sera prolongé jusqu’à fin 2022, au lieu d’avril. Actuellement prime ponctuelle, il convient de se demander si un seul versement suffira si l’augmentation des carburants persiste.
Face à la hausse des prix, le premier ministre a annoncé jeudi 21 octobre la mise en place d’une indemnité inflation qui concernera 38 millions de français. Ce chèque de 100 euros sera attribué à l’ensemble des personnes gagnant moins de 2000 euros nets par mois : salariés, retraités, apprentis, demandeurs d’emplois et étudiants boursiers ou fiscalement autonomes sont concernés. Cette indemnité, défiscalisée, sera versée automatiquement en décembre pour les salariés, chômeurs et indépendants via les employeurs, Pôle Emploi ainsi que l’URSSAF. Ces 100 euros représentent le « surcoût moyen pour le paiement du carburant d’une personne qui réalise 14 000 kilomètres par an » souligne Matignon.
La réforme de l'assurance chômage
La réforme de l’assurance chômage est officiellement entrée en vigueur le 1er octobre 2021. Objet de vifs débats, le nouveau mode de calcul des indemnités de chômage instauré par le gouvernement Castex a pour principaux objectifs d’encourager le travail, lutter contre la précarité et contre l’augmentation des contrats de travail de courte durée. Cette lutte contre la recrudescence des contrats dits « précaires » (CDD, intérim, apprentissage) tend à se faire par la modification du calcul des indemnités de ces travailleurs. Dès lors, la durée d’affiliation nécessaire pour ouvrir ou recharger un droit est désormais de 6 mois, contre 4 mois avant la réforme. Par ailleurs, cette réforme induit un changement du calcul du salaire journalier de référence (SJR) : le nouveau mode de calcul s’appuie sur la moyenne des salaires perçus les 24 derniers mois et prend en compte, en plus des jours travaillés, les jours non travaillés, contrairement à l’ancien calcul qui ne prenait en compte que les jours travaillés. Enfin, cette réforme impose également la dégressivité de l’allocation pour les salaires supérieurs à 4518 euros à partir du 7ème mois, c’est-à-dire deux mois plus tôt qu’avant la réforme.
Jugée « inefficace, injuste et punitive », cette réforme se trouve au centre de tensions et est vivement critiquée par une centaine d’économistes dont Anne Eydoux, Thomas Piketty ou encore Dominique Plihon dans une tribune Le Monde. Ainsi, ces économistes estiment que plus d’un million d’indemnisés tendent à être touchés par la réforme du SJR et que les baisses attendues du montant des allocations pourraient atteindre jusqu’à 43%. Alors que la ministre du travail affirmait que les “chômeurs” gagnent plus quand ils sont au chômage qu’en travaillant », ces économistes s’opposent fermement à cette idée. L’allocation d’assurance-chômage ne représentant que 57 à 75% du SJF, il apparaît impossible qu’elle atteigne un niveau supérieur au salaire antérieur. Au-delà de la précarisation des allocataires que certains économistes déplorent, un collectif de 6 économistes critique la note accompagnant le décret et justifiant l’application de cette réforme en s’appuyant sur la littérature en science économique. Dès lors, ces économistes dénoncent une véritable instrumentalisation de l’économie « dans le but de donner à la réforme un vernis scientifique ».
La justification de la mise en place d’une telle réforme divise. Avec plus de 2 milliards d’euros d’économies faites, il convient de s’interroger sur l’impact de cette mesure qui risque de paupériser davantage une tranche non négligeable de la population, qu’il faudra, faute de revenu, orienter vers les minimas sociaux tel que le revenu de solidarité active.
En bref
Investir dans les crèches : le think tank Terra Nova a publié vendredi 22 octobre une note exhortant la majorité à “investir” dans la petite enfance, pour permettre plus d’accueils en crèche pour les familles pauvres et une augmentation du nombre d’adultes par enfant.
Promotion immobilière en Chine : le promoteur chinois Evergrande a évité vendredi 22 octobre le défaut de paiement formel en payant 83,5 millions de dollars (71,2 millions d’euros) à des investisseurs étrangers, après avoir déjà manqué une échéance précédemment. L’entreprise a aussi manqué des échéances sur ses dettes, n’a toujours pas remboursé des fournisseurs, et n’a pas assuré la livraison de lots payés à l’avance par ses clients.
Rénovation énergétique : jeudi 21 octobre, le ministère du logement annonçait la création de la plate-forme France Rénov’ pour simplifier le service public de rénovation de l’habitat, sans pour autant répondre aux critiques émises par la Cour des comptes, qui déplore l’absence d’une logique globale pour lutter contre la persistance des “passoires énergétiques”. La Banque des territoires (CDC) a aussi annoncé consacrer 12,5 milliards d’euros pour aider les collectivités locales et les bailleurs sociaux à rénover leur bâti.
Politique monétaire et marché financiers
BITO, le premier ETF lié au Bitcoin
Le lancement du premier ETF (exchange traded fund) lié au Bitcoin, mardi 19 octobre, a fait une entrée tonitruante sur les marchés financiers américains. Cette crypto monnaie originelle est ainsi la première à bénéficier d’un adossement à un tel produit financier. Permettant de spéculer sur des « contrats à terme » liés au Bitcoin, ce fonds indiciel représente une révolution dans les échanges de crypto-monnaies, les facilitant toujours plus. Cette nouvelle a été accueillie ardemment par les investisseurs : c’est plus de 24,4 millions d’échanges liés à l’ETF qui ont pris cours lors de la première séance d’échanges. Attirant plus d’un milliard de dollars en seulement deux jours, c’est un nouveau record que vient d’établir $BITO, devenant ainsi le premier ETF à atteindre cette somme aussi rapidement. Cet afflux massif de capitaux a permis au Bitcoin de parvenir à une valeur record de 67 000 dollars, un moment historique pour cette crypto qui s’échangeait à moins d’un dollar à son lancement en 2009.
Si cette explosion est le signe évident d’une appréciation toujours grandissante des investisseurs envers les crypto-monnaies, nombreux sont les experts s’interrogeant sur la dangerosité de ces produits financiers. La Securities and Exchanges Commission (SEC), l’organisme américain de régulation des marchés financiers, a en effet mis du temps à adopter l’actif. S’inquiétant du manque de réglementation et du potentiel de manipulation sur le marché du bitcoin, le $BITO est étroitement surveillé par de nombreux instituts. Il s’agit de s’interroger sur son « immense volatilité » , pour ainsi maintenir son « portefeuille constamment diversifié ».
Focus sur l'activité M&A de ces derniers mois
Après une constriction sans précédent en 2020, l’industrie des fusions-acquisitions a connu une spectaculaire recrudescence. En 2021, les transactions mondiales pourraient atteindre 4 100 milliards de dollars, surpassant potentiellement le record établi en 2007. Côté Private Equity et Venture Capital, un effet de dry power s’est maintenu tout le long de la pandémie et se poursuit en 2021. Tour d’horizon de quelques deals brûlants du moment.
Afterpay Square
Le 1er août, Square a annoncé l'acquisition d’Afterpay, leader mondial du “ buy now, pay later ” (BNLP) pour un montant de 29 milliards de dollars. L'accord a été immédiatement considéré comme positif par Wall Street, alors que les cours des actions des deux groupes ont immédiatement bondi. Alors que de nombreux investisseurs s'inquiétaient de l’astronomique montant d’acquisition, un consensus a fini par émerger quant à la pertinence de cette décision stratégique de la part de Square. Afterpay apporte immédiatement 16,2 millions de comptes individuels actifs et près de 100 000 commerçants sur la plate-forme de Square. Le volume marchand brut et les revenus d'Afterpay ont grimpé respectivement de 114 % et 100 % au cours de son exercice 2021 (achevé en juin). Par ailleurs, ses utilisateurs deviennent de plus en plus actifs au fil du temps, effectuant près de 30 transactions par an pour ceux ayant une ancienneté de quatre ans ou plus. En achetant la fintech australienne, Square prend une longueur d'avance sur un marché en vogue, et à la croissance stupéfiante. La transaction devrait être finalisée au premier trimestre de 2022.
Morrisons Clayton, Dubilier & Rice
Clayton, Dubilier & Rice a remporté les enchères pour acquérir Morrisons dans le cadre d'un accord valorisant le réseau de supermarchés britannique à 7,1 milliards de livres sterling (environ 9,7 milliards de dollars), battant une offre concurrente d'un consortium dirigé par Fortress Investment Group. Cette victoire de Clayton, Dubilier & Rice a mis fin à une guerre d'enchères de quatre mois pour l’acquisition du quatrième supermarché du Royaume-Uni en termes de part de marché. L'offre finale de CD&R de 287 pence par action représente une prime d'environ 61 % sur le cours de clôture de Morrison avant le début de la période d'offre et une majoration de près de 25 % par rapport à l'offre initiale de CD&R de 230 pences par action. L'acquisition du groupe avait également suscité un intérêt précoce de la part des partenaires stratégiques de Morrison, Amazon et Apollo Global Management. Cet intérêt prononcé illustre la tendance récente des firmes de capital-investissement américaines à cibler les entreprises publiques britanniques qui restent bien souvent sous-évaluées alors qu'elles luttent contre le double impact du Brexit et de la pandémie.
Entain DraftKings
Le groupe américain de paris sportifs DraftKings a proposé un montant de 16,4 milliards de livres sterling (environ 22,4 milliards de dollars) à son rival coté à Londres, Entain (anciennement GVC Holdings), éclipsant une offre précédente de 8 milliards de livres sterling de la part de l'opérateur de casino MGM. En incluant la dette, l'accord aurait une valeur totale d'environ 25 milliards de dollars. Entain a déclaré que DraftKings avait fait deux offres pour acquérir la société, notamment propriétaire du bookmaker britannique Ladbrokes. La première approche – une offre en actions et en cash de 25 £ par action - a été rejetée, mais le conseil d'administration a déclaré qu'il examinerait attentivement la dernière offre de 28 £ par action, correspondant à une prime de 46,2% par rapport au cours de clôture du 20 septembre. L'offre sur Entain intervient un peu moins de deux mois après l’annonce d’introduction en bourse de DraftKings.
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