Cette semaine nous observons le comportement des marchés boursiers, les enjeux monétaires et financiers autour des sanctions au lendemain de l’invasion de l’Ukraine par les forces russes. Bonne lecture !
Politique monétaire, marchés financiers
Les sanctions monétaires à l’encontre de la Russie
. Samedi soir, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen commentait que les sanctions économiques adoptées : « affaibliront de manière significative la capacité [de la Russie] à financer sa guerre et saperont sérieusement son économie. Vladimir Poutine s’est embarqué dans la voie de la destruction de l’Ukraine, mais ce faisant, il compromet l’avenir de son propre pays ».
. À la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, l’Union Européenne, les Etats-Unis et leurs alliés débattent des sanctions économiques à entreprendre. Déjà deux ensembles de mesures ont été adoptés pour répondre face à l’invasion de l’Ukraine : des sanctions ciblant en général les oligarques russes et les proches du régime de Vladimir Poutine. Cependant, une troisième série de sanctions devrait être adoptée ce dimanche soir à la suite d’un conseil des ministres des Affaires étrangères de l’UE convoqué par Josep Borrell, Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et vice-président de la Commission européenne.
. Ce paquet de sanctions a pour principal objet l’exclusion de certaines banques russes du réseau interbancaire en charge de l’immense majorité des ordres de paiement des transactions mondiales : le réseau SWIFT (Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication). La guerre va donc aussi faire rage contre la Banque de Russie, cible principale d’autres mesures à venir.
. Le but est d’épuiser l’économie russe, en frappant ses capacités de financement dans un contexte de reprise économique post pandémie et d’inflation importante (8.5% en janvier selon Trading Economics). Ces exclusions devraient permettre de réduire les capacités de la banque centrale russe en ce qui concerne l’amortissement des sanctions occidentales. L’objectif est de paralyser sa capacité à soutenir la valeur du rouble (qui se déprécie déjà) grâce aux 630 milliards de dollars de réserves en devises et en or dont la Banque de Russie dispose. En effet, en bloquant certaines banques commerciales russes, il serait bien plus compliqué à la banque centrale d’acheter des roubles sur le marché.
. Un bras de fer monétaire risque donc d’avoir lieu. D’un côté une forte dépréciation du rouble serait indésirable pour une économie russe fragilisée par la pandémie et minée par l’inflation. Les sanctions seraient alors des moyens de pressions efficaces. De l’autre, des exclusions et sanctions générales pourraient aussi amener à une montée des prix de l’énergie pour les consommateurs occidentaux et une crise sur les marchés. Ainsi, les mesures contre le système bancaire russe doivent être précises mais aussi suffisamment sévères pour frapper la stabilité économique russe, sans provoquer de crise globale.
. Néanmoins, face à ces mesures, la Russie a développé le SPFS (un système russe de transfert de messages financiers) depuis les sanctions de 2014. Celui-ci regroupe surtout des banques russes et des ex-républiques soviétiques encore sous forte influence de Moscou. Ce système pourrait servir de substitut au réseau SWIFT, mais il est beaucoup moins performant, demeure un réseau régional et n’a enregistré qu’environ 15% des trafics financiers internes russes en 2021 selon la Banque de Russie.
. Enfin, la Chine pourrait contribuer à briser l’isolement économique et financier imposé à la Russie. Cependant, sa position demeure assez ambivalente : ne souhaitant pas devenir une victime collatérale du conflit et ne prenant pas de réel parti. Les deux puissances étant à la fois rivales et partenaires : la Chine poursuit ses accords commerciaux avec la Russie, mais ne la soutient pas lors d’une résolution du conseil de sécurité de l’ONU et n’annonce encore rien face aux sanctions monétaires.
Evolution des Bourses mondiales suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie
. Jeudi 24 février 2022, les Bourses mondiales ont terminé la journée en baisse suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
Alors que l’invasion commençait, les places européennes ont conclu la journée en forte baisse: la Bourse de Moscou a perdu jusqu’à 45 %, et a dû suspendre les échanges quelques heures, pour terminer à -33 %. Les valeurs russes sont les premières victimes de l’inquiétude du marché liée au conflit. Le Dax à Francfort a terminé la journée en baisse de 3,96 %, tandis que l’EuroStoxx 50 lâchait 3,64 %. Du côté des États-Unis, après une ouverture en nette hausse, Wall Street a conclu en baisse sévère : le Dow Jones a perdu 1,38 %, le Nasdaq 2,57 % et le S&P 500 1,84 %.
. En parallèle, les réactions du marché ont été particulièrement violentes sur les matières premières.
Les prix du pétrole et du gaz se sont envolés : le cours du baril de pétrole ayant dépassé la barre des 100 dollars pour la première fois depuis 2014. Le prix du gaz a quant à lui bondi de 33% en Europe, se rapprochant de son record historique franchi en décembre dernier. Le prix des céréales a continué de grimper, au plus haut depuis plus de 9 ans. Le soja et l’aluminium ont été aussi fortement impactés par le conflit. En effet, celui-ci pourrait avoir de graves retombées sur les chaînes d’approvisionnement et leur organisation: faisant grimper les prix.
. Alors que la prudence continue de peser sur la tendance et que les échanges restent très volatils face aux nombreux scénarios géopolitiques, les marchés ont pourtant rebondi dès le lendemain : vendredi 25 février.
En fin de matinée, aux Etats-Unis, le Dow Jones a avancé de 1,4%, tandis que le Nasdaq Composite a progressé de 0,7%. En Europe, le CAC 40 a clôturé sa séance sur un gain de 3.55% (à 6.752 points), résultat lui permettant d’effacer partiellement les pertes de la veille. La même dynamique de rachats à bon compte était en œuvre sur les autres places boursières : Francfort et l’E-Stoxx50 progressaient ainsi de 3.6% tandis que Londres frôlait les 4%.
On peut noter que l’or a même perdu en valeur, signe d’apaisement des marchés. Les investisseurs en quête de sécurité la veille avaient fait gonfler sa valeur : celle-ci retombant modestement dès vendredi. La détente a aussi été notable sur les matières premières : le prix du baril restant élevé, mais inférieur à 100 $. Mais la hausse des prix des matières premières se maintient, renforçant l’inflation actuelle.
. En effet, les guerres n’entraînent pas toujours des baisses durables. L’exemple de la guerre en Irak en 2002 montre que les marchés boursiers ont commencé à se redresser dans les dix jours qui ont suivi le début de la campagne militaire des Etats-Unis.
Cette déconnexion entre la sphère politique et la sphère financière n’est pas nouvelle.
Pour autant, ce redressement des marchés pouvant paraître inattendu peut s’expliquer par plusieurs facteurs. Beaucoup d’investisseurs parient sur un conflit rapide : l’installation d’un gouvernement pro-russe à Kiev puis une désescalade dans les semaines à venir, ne faisant pas du conflit un événement durable. En outre, les marchés espèrent aussi des interventions accommodantes des banques centrales afin de les soutenir et éviter que le conflit militaire ne contamine violemment les marchés en provoquant une crise.
En bref :
- Le CAC 40 a fermé à 6752,43 points le 25 février 2022, enregistrant une baisse de -0,53% depuis le 21 février 2022.
- Le S&P 500 INDEX a fermé à 4 384,65 points le 25 février 2022, enregistrant une hausse de +1,86% depuis le 21 février 2022.
- L’EURO STOXX 50 a fermé à 3970,69 points le 25 février 2022, enregistrant une baisse de -0,38% depuis le 21 février 2022.
- Le DEU Benchmark 10 ans s’élevait à 0,180% le 25 février 2022, enregistrant une hausse de +1 points de base depuis le 21 février 2022.
- Le USA Benchmark 10 ans s’élevait à 1,996% le 25 février 2022, enregistrant une hausse de +3,2 pointsde base depuis le 21 février 2022.