La théorie économique fournit des outils pour arbitrer sur les sujets concurrentiels et porte un intérêt renouvelé pour les firmes du numérique. De façon quasi-structurelle, le secteur digital fait la part belle aux monopoles qui développent des avantages non réplicables par les nouveaux entrants. Ceci a nourri des confrontations inédites entre les géants du secteur et les gendarmes de la concurrence. Pour la 5G, quelques frictions concurrentielles émergent déjà. Mais cette technologie est trop récente et les estimations de croissance trop fragiles pour gager d’un nouveau bouleversement des pratiques concurrentielles.
Petit aide-mémoire d’économie industrielle
L’économie industrielle est le champ d’analyse des interactions stratégiques des firmes en situation de concurrence imparfaite. La concurrence entre les firmes étant envisagée comme un mécanisme clé de bon fonctionnement de l’activité économique et de maximisation du bien-être social, la théorie économique néo-classique pose la concurrence pure et parfaite comme le cadre de référence regroupant incitations au progrès technique et efficacité allocative. Formellement, sera dite pure et parfaite toute situation de concurrence rassemblant les cinq conditions suivantes (1) :
- L’atomicité des agents, du côté de l’offre et du côté de la demande. Le corollaire de cette atomicité est l’incapacité des acheteurs et vendeurs à exercer une influence suffisante pour modifier le prix de marché.
- L’homogénéité des produits, les biens offerts sur le marché devant être parfaitement interchangeables. Deux biens qui diffèrent par leur qualité ou leurs propriétés sont identifiés comme tels par les acheteurs et sont échangés sur des marchés différents.
- La libre entrée sur le marché, qui exclut les entraves tarifaires, réglementaires ou technologiques à l’entrée d’un nouvel offreur.
- La transparence du marché, toutes les parties prenantes du marché disposant d’une connaissance exhaustive des propriétés du marché (notamment le prix de marché, les quantités demandées, les quantités offertes sur ce marché), sans qu’il n’y ait de coût ou de délai à l’acquisition de ces informations.
- La libre circulation des facteurs de production : capital et travail peuvent être librement réalloués sans délai ni coût par les offreurs dans différents marchés et industries.
Bien entendu, la réalité du marché dévie de cet idéal théorique : des quasi-monopoles émergent à la faveur de l’interventionnisme étatique ou d’innovations technologiques, les produits se différencient aux yeux du consommateur par l’image de marque ou par la localisation géographique (i), les nouveaux entrants se heurtent à de lourdes contraintes d’investissement, les marchés de l’occasion sont frappés de l’asymétrie d’information (ii) et la législation restreint la libre réallocation de la force de travail au nom de la protection sociale des salariés.
La théorie néoclassique essaie de démontrer que la concurrence pure et parfaite est une configuration de maximisation du bien-être social, combinaison du surplus du consommateur (son utilité à la consommation de laquelle on déduit ses efforts ou le prix déboursé pour l’acquérir) et le profit des firmes. La modélisation de la concurrence imparfaite ayant lieu en pratique sur les marchés réels a donc pour but principal de mesurer comment les écarts à la concurrence parfaite impactent le bien-être collectif.
Ceci amène naturellement l’action publique à apposer un cadre normatif : la majorité des économies de l’OCDE disposent d’une autorité chargée de veiller au maintien de la concurrence économique. L’Autorité de la Concurrence en France, la Competition and Markets Authority (CMA) en Angleterre, l’Office fédéral de lutte contre les cartels en Allemagne sont autant d’exemples de ces instances qui prononcent lorsqu’elles les jugent nécessaires des injonctions ou des sanctions pécuniaires, et qui délivrent les autorisations d’opérations de concentration.
Elles le font généralement par application de lois dites « antitrust » qui restreignent fusions, collusions sur les prix et les quantités, abus des positions de monopole et campagnes agressives menées contre les concurrents, notamment par l’adoption de prix prédateurs suffisamment bas pour pousser les firmes rivales vers la sortie. Ces lois antitrust sont aux confluents de l’histoire législative, économique et politique d’un pays : aux Etats-Unis, le Sherman Antitrust Act de 1890 (premier né du droit de la concurrence moderne) a été ratifié alors que de grandes compagnies se muaient en monopoles en fusionnant en chaîne avec de plus petites entreprises – ces « trusts » faisaient en somme partie du folklore du Gilded Age, l’âge d’or économique des Etats-Unis.
Un rapport de la Banque Mondiale (2) pour les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord déplore pour sa part que ces pays soient sclérosés par un fonctionnement à deux vitesses, entre grands monopoles étatiques ou firmes privées aux connections politiques bien utiles, et une économie informelle qui survit sur de petites opérations et génère des salaires faibles dénués de protection sociale. Quand ces pays ont bien une législation antitrust et une autorité veillant au maintien de la concurrence, ce cadre est minimal et inspiré des modèles américains et européens, sans prendre racine dans l’écosystème économique local. C’est souvent une législation de façade, motivée par le développement du commerce extérieur avec des grands groupes internationaux qui exigent un tel environnement de droit concurrentiel.
Dans certains cas, la théorie économique a pu fournir une justification à l’instauration de monopoles, au demeurant lourdement réglementés et cantonnés au service public. Ce sont les monopoles « naturels » qui émergent quand les systèmes productifs jouissent d’importantes économies d’échelle (iii). Et même si ces monopoles étaient laissés indépendants de la sphère publique, des économistes (notamment de l’école de Chicago) avancent que le gain d’efficacité du monopole pourrait contrebalancer la désutilité du consommateur face au prix fixé par la firme. Par ailleurs, lorsque l’intensité de la concurrence peut amener les innovations à fuiter avant que l’innovateur n’ait compensé son coût de recherche, le progrès scientifique est découragé.
Les brevets, qui concèdent à leur détenteur une position de monopole temporaire, contournent l’idéal de concurrence parfaite pour stimuler l’innovation. Selon l’économiste autrichien Joseph Schumpeter (3), seule cette configuration de monopole temporaire peut donner aux entrepreneurs l’impulsion suffisante pour innover. Précisons que le monopole temporaire de cette analyse est une entité imparfaitement majoritaire sur le marché, c’est une entreprise de très grande taille capable d’influer sur les prix, mais elle demeure sous la pression de la concurrence et est engagée à maintenir sa prédominance en réinvestissant sa rente de monopole.
AT&T par exemple a jusqu’à la fin des années 70 largement trusté la mise en réseau téléphonique des États-Unis. Ses revenus lui ont permis d’entreprendre une recherche appliquée fondamentale dans ses fameux laboratoires, les Bell Labs. Ce sont dans ces centres de recherche que sont nées des inventions capitales comme la cellule photoélectrique, la fibre optique ou le laser.
Entre géants du digital et gendarmes de la concurrence, le bras de fer continue
Le digital est le cas d’école d’un secteur aux coûts fixes considérables, aux coûts variables bas et aux économies d’échelles marquées. C’est pourquoi l’OCDE (4), l’Autorité de la Concurrence en France (5) et la Commission Européenne ne se formalisent pas vraiment de voir des géants comme les GAFA drainer les parts de marché du numérique. Ce qui alimente réellement le débat public, c’est que ces firmes semblent défendre leur position par des postures anticompétitives féroces obstruant totalement la voie aux nouveaux entrants.
Certains indicateurs permettent d’ailleurs d’apprécier cet affaiblissement de la concurrence sur le marché du digital : les taux de marque (le ratio de prix unitaire d’une marchandise par son coût marginal) augmentent, il y a de moins en moins d’entrants dans tous les secteurs confondus et en particulier dans le digital, les plus grandes firmes s’y accaparent une part croissante des bénéfices, et les activités de fusion-acquisition menées au périmètre du digital s’intensifient.
Les monopoles numériques posent de nouveaux défis au régulateur. Les plateformes numériques par exemple ont la particularité de voir leur valeur augmenter exponentiellement avec le nombre d’usagers (iv), ce qui génère des barrières à l’entrée. Un nouveau réseau social voulant rivaliser avec Facebook sur le même type de services rencontrerait un public frileux à l’idée de perdre ses contacts et de se reconstituer un cercle sur la nouvelle plateforme. Le nouvel entrant pourrait difficilement appâter le client en abaissant le coût du service, car ce coût est souvent implicite : la plupart des services digitaux donnent l’illusion aux consommateurs d’un usage gratuit, qui est en réalité monétisé via les données de l’utilisateur et par la présence d’annonceurs au bord opposé de la plateforme.
Une conséquence positive de la portabilité des données défendue par le RGPD est notamment d’affaiblir les barrières à l’entrée dans le digital : sans cela, les consommateurs assument un coût de transition d’une prestation à l’autre très dissuasif. On parle aussi de nouveaux modèles d’entreprises qui rémunéreraient les consommateurs pour leurs données.
Les dernières procédures engagées par la Commission Européenne envers des GAFA témoignent d’une volonté de marquer le coup sur le terrain de l’abus de position dominante. Sous la direction de la commissaire Margrethe Vestager, l’institution condamne successivement Google en 2017, en 2018 (pour une amende record de 4,3 milliards d’euros) et en 2019, au titre de ventes liées, de la restriction délibérée de l’interopérabilité d’Android ou encore de contrats d’exclusivité abusifs. Les grandes firmes du digital absorberaient également par des opérations de fusions-acquisitions les nouvelles firmes innovantes : Google a ainsi fait l’acquisition de 168 entreprises depuis 2008, et Facebook de 71 entreprises.
L’Autorité de la Concurrence reconnaît elle-même qu’un vide juridique persiste et que la législation n’a pas encore suffisamment digéré l’enjeu des opérations de concentration engagées dans ce secteur. Les gendarmes de la concurrence jugent en général ces opérations en regard des parts de marchés respectives des parties prenantes, en veillant notamment à ce qu’elles n’occasionnent pas de concentrations excessives. Mais dans le cas du digital, les acteurs absorbés par les grandes firmes sont souvent d’une valeur difficilement quantifiable : quand Facebook rachetait WhatsApp en 2014 pour 19 milliards de dollars, l’application était toutefois peu rentable.
Du côté des pratiques collusives, la bête noire des autorités de la concurrence est la collusion algorithmique : les algorithmes utilisés dans l’industrie pourraient devenir le levier d’ententes pratiquement indétectables. L’utilisation d’algorithmes identiques ou bien coordonnés dans un but de tarification permet un alignement horizontal des pratiques sans qu’il n’y ait eu de contact direct prolongé entre les concurrents. Ainsi, la CMA (6) a conclu en 2016 à une entente entre Trod et GBE, deux entreprises de vente en ligne, via des logiciels de tarification programmés pour assurer qu’aucune des firmes ne baissait ses prix de ventes au-delà d’un seuil convenu.
Tour d’horizon des premières frictions concurrentielles pour la 5G
La 5G, pour “Cinquième Génération”, est la dernière-née des technologies pour réseaux sans fil. L’enjeu central de cette technologie est qu’elle devrait diminuer drastiquement le temps de latence, c’est-à-dire le délai de réponse du réseau : la 5G devrait imposer pour le temps de latence un standard de l’ordre de la milliseconde, à confronter à la moyenne de 50 millisecondes de la 4G. Cette réduction d’un facteur 10 devrait notamment permettre de satisfaire aux exigences techniques de l’Internet des Objets, de soutenir le développement de la Smart City et la démocratisation de la voiture autonome.
L’Union européenne a fait de la technologie 5G le fer de lance de sa stratégie numérique, en spécifiant notamment que tous les États membres devaient comporter au moins une grande ville au réseau 5G entièrement fonctionnel d’ici la fin de 2020. Mais du chemin reste à faire avant la réalisation de cet objectif de couverture, par ailleurs entravé par la crise sanitaire du Covid-19. Car la 5G a un coût, assuré par les industriels, mais également lourdement subventionné. Il est question d’obtenir les fréquences du spectre de la 5G, de former ingénieurs et techniciens à cette nouvelle technologie, de mettre à jour l’infrastructure existante, qui n’est pas totalement obsolète car la 5G utilisera en partie le spectre de la 3G/4G mais toutefois insuffisante.
Les futurs opérateurs 5G envisagent à ce sujet de négocier des accords de partage des infrastructures : déjà utilisés pour les générations précédentes de réseaux mobiles, ils permettent d’amortir les coûts fixes liés aux infrastructures de réseaux. Dans des zones excentrées où mettre en place des infrastructures aurait été trop coûteux relativement au profit engrangé pour des opérateurs agissant indépendamment, ces accords ont permis d’assurer une couverture à coût viable. Sachant que du point de vue économique rien n’est plus dommageable au bien-être global qu’une demande non satisfaite, ces contrats seraient bénéfiques (7).
Quant à la couverture 5G, il se pourrait qu’elle bénéficie des contrats partagés également dans le cas de zones urbaines très denses, dans lesquelles le réseau devra être enrichi sous une contrainte d’espace qui limite la mise en place en parallèle des infrastructures de différents opérateurs. C’est ce que note notamment l’Organe des régulateurs européens des communications électroniques dans un rapport de 2018 (8) où sont livrées ses recommandations quant aux avantages des accords de partage de réseau et quant à leur limitation à des contextes de nécessité. On contient le développement de ces accords principalement par prévention : ils pourraient faciliter l’échange d’informations critiques entre les opérateurs et ainsi faciliter des comportements d’entente. Mais en dehors de cette possibilité, les accords de partage de réseau n’empêchent pas en principe la concurrence, les opérateurs continuant de moduler leur offre isolément.
Les régulateurs nationaux s’inquiètent davantage de voir apparaître de farouches monopoles dans la course pour la 5G. Dans le duel ayant préalablement opposé les deux géants du numérique, Apple et Qualcomm, le sujet 5G a fait pencher pendant un temps la balance en faveur du premier : Qualcomm ayant été le fournisseur historique d’Apple en puces, il a exigé devant les agences fédérales de commerce le gel de l’importation de plusieurs modèles d’IPhone, au motif qu’ils auraient enfreint les brevets de Qualcomm en contenant des puces Intel.
Mais les juges de l’International Trade Commission ont refusé d’accéder à la demande de Qualcomm car ceci aurait pratiquement évincé Intel du marché des processeurs de bande de base et aurait accordé à Qualcomm un quasi-monopole. L’inquiétude de la commission était principalement dirigée vers le marché des processeurs 5G et l’enjeu de la cybersécurité : qui dit monopole, dit monoculture à la Windows, et donc augmentation des risques systémiques (9). Alors que dans le cas où Intel et Qualcomm étaient en concurrence, ils auraient été incités à rivaliser en normes de sécurité.
Et il y a un autre débat phare de la 5G où l’économie de la concurrence est venue s’immiscer, avec la cybersécurité de nouveau en toile de fond. L’équipementier chinois Huawei, leader du marché devant ses principaux concurrents européens Nokia et Ericsson, a subi les foudres du président américain Donald Trump. Celui-ci a requis le 19 mai 2019 contre Huawei une limitation drastique de ses échanges avec les entreprises nationales, scellée par l’inscription de la firme sur la liste noire du département américain du Commerce. Washington accuse Huawei d’espionnage pour le compte de Pékin. La guerre commerciale opposant les deux premières puissances mondiales faisant rage, il est difficile de réellement distinguer le vrai du faux dans les accusations portées contre Huawei.
Les actions entreprises par Donald Trump trouvant de plus en plus de partisans ailleurs dans la monde, en Australie et en Europe notamment, Huawei a commissionné Oxford Economics (10), firme spécialisée dans l’analyse économique quantitative, pour mesurer le coût économique de son exclusion (déjà actée ou hypothétique) de 8 marchés stratégiques : l’Australie, le Canada, la France, l’Allemagne, l’Inde, le japon, le Royaume-Uni et les États-Unis.
Selon la théorie économique, l’exclusion d’un offreur, d’autant plus s’il est efficace, engendrera des prix plus élevés, et dans le cas de la 5G, occasionnera un délai de livraison de la technologie aux consommateurs. Plus la tension concurrentielle est marquée sur un marché par la présence de plusieurs compétiteurs potentiels qui rivalisent par les prix, la qualité ou par l’efficacité productive, plus les prix et le coût de revient de la technologie sont tirés vers le bas.
Sur le marché actuel du Radio Access Network (RAN), les trois firmes dominantes (Huawei avec une part de marché de 31%, Ericsson avec 29 % et Nokia avec 23%) sont présentes d’après Oxford Economics en proportions suffisamment équivalentes pour qu’aucune ne puisse accéder au statut de monopole. On pourrait relever que ces trois firmes forment un quasi-oligopole et écrasent les 17% laissés à la concurrence, notamment au seul challenger notable ZTE.
Mais Oxford Economics objecte que dans le marché émergent de l’équipement 5G, alors que les firmes doivent supporter des coûts fixes décourageants avant d’être rentables, la multiplication des firmes prenant part au marché ne fait que dupliquer ces coûts d’installation, d’où une perte d’efficacité économique. D’un autre côté, exclure un grand acteur comme Huawei ne permettrait pas de sauver davantage de cette duplication des coûts, car la firme serait déjà assez bien installée pour ne pas les supporter significativement.
Le rapport d’Oxford Economics de 2019 quantifie le supposé retour de bâton devant faire suite à l’éviction d’Huawei. Pour comprendre l’enjeu sous-jacent à ces estimations, il faut se pencher sur le potentiel économique du déploiement de la 5G. D’ici 2025, la GSM Association (l’organisation de représentation des industriels du secteur téléphonique) prévoit dans une étude de 2018 que la masse d’utilisateurs de la 5G s’élèvera à 1.2 milliards et que la 5G contribuera à hauteur de 5.3% (soit 2.2 trillions de dollars) à la hausse du PIB mondial sur la période 2020-2034. Cette dernière prévision est cohérente en échelle avec celle établie par l’entreprise d’information économique IHS Markit, qui table sur l’injection de 3.5 trillions de dollars dans le PIB mondial grâce à la 5G, d’ici à 2035.
L’absence d’Huawei de certains marchés devrait bouleverser ces estimations de croissance d’après Oxford Economics : les compétiteurs d’Huawei, qui feront face à une demande accrue, devront augmenter leur capacité donc assumer des coûts de transition qui certes sont amortis de leur côté par une augmentation des prix et génèrent du profit, mais qui au total génèrent de l’inefficacité économique. Le coût de l’investissement augmentant pour les opérateurs, le retour sur investissement de la 5G diminue, ce qui dégrade les incitations des opérateurs et retarde l’essor du réseau 5G.
La réduction de la productivité du secteur des télécommunications, en comparaison au contrefactuel avec présence d’Huawei, débordera par la suite sur l’économie entière. Oxford Economics construit sur la base de ce scénario et pour les 8 pays étudiés une estimation statistique de l’augmentation des coûts d’investissements induit par l’absence de Huawei. Cette estimation est présentée sous la forme d’un intervalle tenant compte des incertitudes.
Entre rivalités géopolitiques, ambitions monopolistes, et regain de subventionnisme, la 5G est en passe de devenir l‘objet de toutes les convoitises économiques. La régulation concurrentielle du marché 5G ne se fera vraisemblablement pas sur un terrain apaisé, mais la vraie question est de savoir qui l’emportera entre la défiance envers les monopoles numériques et le pragmatisme économique.
Notes :
i. L’économiste américain Edward Chamberlin développera à ce sujet le concept de concurrence monopolistique (1933) : les firmes concourent en se différenciant, tendant chacune vers le monopole sur les marchés distincts ainsi créés. Par exemple, Apple et Microsoft se sont un temps livrés à cette concurrence monopolistique : la communication de Microsoft louait la productivité de ses ordinateurs, tandis qu’Apple privilégiait la créativité, et tous les deux étaient dominants sur deux marchés ciblés sur des publics très différents .
ii. Voir à ce sujet la fameuse étude menée par Akerlof en 1970 dans The Market for “Lemons” : les vendeurs de lemons, ces voitures d’occasions aux vices bien cachés, disposent d’une rente informationnelle sur les acheteurs qui sont incapables de différencier la bonne voiture d’occasion du “tacot”. Si les vendeurs n’ont pas de moyens de signaler la qualité de leur voiture (par une garantie par exemple), à long terme les mauvaises voitures remplacent les bonnes sur le marché, l’asymétrie d’information tirant le prix de vente et l’utilité à la vente des bonnes voitures vers le bas.
iii.Une économie d’échelle est une situation dans laquelle le coût unitaire de production d’un bien diminue avec les quantités produites. Plus l’entreprise produit, plus elle devient efficace. Les économies d’échelles sont le plus souvent exclues des modèles néoclassiques.
iv. On dira que les plateformes génèrent des externalités de réseau : un agent consommant le service de la plateforme en paye le prix tout en augmentant la valeur de la plateforme, un bénéfice pour celle-ci qui n’est pas monnayé.
Sources :
- George J. Stigler, 1957. “Perfect Competition, Historically Contemplated,” Journal of Political Economy, University of Chicago Press, vol. 65, pages 1-1.
- Arezki, R., M. Ait Ali Slimane, A. Barone, K. Decker, D. Detter, R. Fan, H. Nguyen, G. Miralles, L.Sembet, 2019a. “Reaching New Heights: Promoting Fair Competition in the Middle East and North Africa.” MENA Economic Update. October. Washington, DC: World Banks.
- Schumpeter, Joseph A., The Theory of Economic Development: An Inquiry into Profits, Capital, Credit, Interest, and the Business Cycle (1934). University of Illinois at Urbana-Champaign’s Academy for Entrepreneurial Leadership Historical Research Reference in Entrepreneurship.
- https://oecdecoscope.blog/2019/05/31/competition-in-the-digital-age/
- Contribution de l’Autorité de la concurrence au débat sur la politique de concurrence et les enjeux numériques, 19 février 2020 : https://www.autoritedelaconcurrence.fr/sites/default/files/2020-02/2020.02.28_contribution_adlc_enjeux_num.pdf
- https://www.gov.uk/cma-cases/online-sales-of-discretionary-consumer-products
- https://www.oxera.com/agenda/sharing-is-caring-supporting-the-roll-out-of-5g-networks/
- Draft BEREC Common Position on Mobile Infrastructure Sharing, Décembre 2018 : https://berec.europa.eu/eng/document_register/subject_matter/berec/public_consultations/8322-draft-berec-common-position-on-mobile-infrastructure-sharing
- https://morningconsult.com/opinions/in-the-race-to-5g-monopoly-considered-harmful/
- Restricting competition in 5G Network Equipment : an economic impact study, Oxford Economics, Décembre 2019 : https://resources.oxfordeconomics.com/hubfs/Huawei_5G_2019_report_V10.pdf